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CANNES 2007 - Femmes sous pressions

La condition de la femme est un sujet classique du cinéma contemporain, qui de festival en festival, parâit inépuisable. Cette année Cannes ne fit donc pas exception, présentant dans toutes sections confondues, des oeuvres où les êtres de sexe féminin furent l'objet de réprimandes sociales, de brimades religieuses voire d'exploitation souvent sexuelle. Et si leur seul échappatoire était de devenir mère?Cela n'apporte pas plus le respect, ni la sérénité. Car certaines comme Jane Birkin (Boxes - 30 mai) ne cessent de s'interroger avec malice sur le fait d'avoir été une bonne mère, convoquant filles factices comme maris trompeurs et fantômes des ancêtres, à leur vivant et décalé chevet. Mais être mère, selon la situation, n'est pas forcément une bénédiction. Dans 4 mois, 3 semaines et 2 jours, palme d'or 2007, deux amies immigrées se rendent dans un hôtel pour une tentative d'avortement. Et comme nous sommes en Roumanie, où la chose est interdite, au travers de ce quasi reportage filmé caméra à l'épaule, oppressant, ce qui est déjà atroce vire au sordide lorsque s'ajoute à la menace du médicalement douteux, un chantage d'ordre sexuel. Résolument sombre, le film fait littéralement frissonner lors de la scène où elles tentent de se débarrasser du foetus dans une ville eteinte, où tout n'est que danger.Une fois l'âge adulte arrivé, la maternité ne se passe pas forcément non plus comme prévu. Julianne Moore, dans Savage Grace de Tom Kalin, compose un personnage ayant existé, une mère entretenant des rapports complices et possessifs avec un fils virant homosexuel. Emplie d'une colère sourde, trompée par un homme lassé des conventions, elle paraît aigrie à force d'insister sur le protocole et de vouloir reproduire « sa » société dans les pays traversés par sa nomade famille. Ce film ambigü décrit au final une emprise sociale tellement négative que le basculement devient inévitable vers un amour autre. Autres femmes en quête d'amour, les héroïnes du joli et touchant Caramel (septembre). Libres en apparence, elles ont bien du mal à se démarquer d'un modèle comportemental dominé par l'homme. Dans cette comédie aux couleurs chatoyantes, l'une doit être vierge pour le mariage et invente des subterfuges pour le faire croire, une autre vit dans l'illégalité en étant la maîtresse d'un homme marié, et une autre se doit de cacher ses préférences sexuelles. Entre le sacrifice des plus anciennes et la volonté de vivre libres des plus jeunes, dans un Liban moderne, cela donne un film généreux.Le modèle de société est donc un facteur indéniable d'oppression. Mais sur ce point, la religion n'est pas en reste. Prix du jury avec le dessin animé adapté de sa propre bande dessinée, Persépolis (27 juin), Marjane Satrapi raconte avec sarcasmes l'inégalité entre hommes et femmes en Iran. Elle met en évidence les arguments falacieux visant à rabaisser la femme toujours trop visible. Le dessin simple, en noir et blanc, va à l'essentiel par rapport aux messages portés et les sublimes décors proches du pochoir ajoutent à l'ambiance d'un monde terne, dont elle ne sortira qu'en émigrant. Et comme de la réprobation à l'exploitation, il n'y a qu'un pas, ce sont les chinois qui le franchissent avec Blind Mountain, récit du calvaire d'une femme vendue à une famille de paysans des montagnes, qui n'a qu'un devoir: porter l'enfant héritier du nom, en priant pour que celui-ci soit un garçon. Complicité de beaux-parents tortionnaires et passivité de la police sont ici mis en lumière à la manière d'un reportage centré sur les souffrances de la jeune femme qui cherche un appui pour s'échapper. Un film éprouvant sur une forme d'exploitation justifiée par l'utilité sociale. Une nouvelle preuve de la vitalité du cinéma chinois contemporain, qui rappelle au passage l'existence d'une condition archaïque encore en vigueur dans des contrées reculées.Face à celà, certaines ressentent une logique nécessité de partir. De l'autre côté (14 novembre) de Fatih Akin, prix du scénario, suit une femme turque exilée en Allemagne devenue prostituée par nécessité. Mise à l'écart de la société de par ses origines et son métier, elle doit en plus travailler sous les menaces des religieux extrémistes. Chapitré avec justesse selon les morts annoncées de divers personnages, ce film humaniste tend à réconcilier peuples et familles au travers de l'histoire de personnages partis à l'étranger chercher de potentiels proches. A l'inverse, et ce fut certainement là le film le plus marquant du festival, Import Export d'Ulrich Seidl stigmatise le mépris envers les femmes au travers de deux histoires croisées. Une immigrée ukrainienne se rend ainsi en Autriche pour échapper à des tournages de pornos devenus indispensables pour compléter son salaire d'infirmière. Elle ne gagnera que du mépris à vouloir s'en sortir, ne pouvant exercer son métier, et devant faire face aux suspicions envers des immigrés profiteurs. Symétriquement, au travers de l'histoire d'un chômeur parti en mission en Ukraine, il montre également comment l'argent roi mène dramatiquement et facilement au mépris et à l'exploitation des femmes. Une démonstration éprouvante, pour laquelle l'auteur n'a pas hésité à se donner le temps de l'insupportable. Mais s'agit-il réellement là du pire que la femme doive endurer?

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Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur