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DÉLICIEUX

Un film de Éric Besnard

La cuisine comme vecteur d’émancipation

Pierre Manceron, cuisinier au service du Duc de Chamfort, décide de servir un amuse bouche lors d’un dîner, incluant pommes de terre et truffes. Le couperet tombe, le prêtre présent à la table fustigeant celui-ci comme la seule fausse note du repas. Et tous les convives se gaussent du fait que le met en question comporte de la pomme de terre, tubercule que « seuls les cochons mangent ». Humilié, Manceron est congédié et s’installe dans une grange qu’il va transformer en relais. Mais débarque une femme, désireuse d’apprendre la cuisine, qu’il finit par prendre comme apprentie…

Délicieux film movie

Gregory Gadebois incarne le personnage principal de ce film, un homme à la fois sauvage et frondeur, persuadé des Vertues de son art et de sa capacité à marier les saveurs. Confronté à la fois à l’échec (son renvoi de chez le Duc de Chamfort, interprété à la perfection par Benjamin Lavernhe, jouant de la notion de façade, entre comportement léger et suiveur, et regard compatissant) et au rejet de son apprentie, qu’il a tôt fait de prendre pour une fille facile, il doit composer à la fois avec le besoin d’exprimer et faire reconnaître son talent, et celui de nouer une relation avec quelqu’un, qu’elle soit amoureuse ou professionnelle. Aidé par son fils Benjamin, il va créer le premier restaurant, ou lieu dédié au plaisir de la bonne chère.

Eric Besnard a pris quelques liberté avec l’Histoire, puisqu’il avoue lui même que le premier restaurant date de 1782, soit 7 avant la révolution. On ne lui reprochera cependant pas d’avoir resituer l’action peu avant 1789, soulignant ici ce qui est finalement le sujet principal de son métrage : la superficialité et l’oisiveté des nobles, et l’émancipation du peuple face à la noblesse en générale. Pierre Manceron incarne justement le souci de composer, l’espoir d’une renaissance professionnelle, qu’il ne peut concevoir sans ce Duc qu’il estime comme un mentor et dont il espère regagner les grâces. Et c’est donc d’ailleurs que devait venir l’élan de liberté, du fils (Lorenzo Lefebvre, parfaitement juste), à l’affût des nouvelles de Paris et attentif aux injustices récurrentes, mais aussi de Louise l’apprentie (touchante Isabelle Carré), dont le personnage créera la surprise.

Composant savamment ses plans aux allures de tableaux, Éric Besnard bénéficie aussi d’une direction artistique sans faille, transformant peu à peu la grange dépouillée qui sert initialement de retraite, en un lieu de foisonnement et de vie, coloré et joyeux, et véritable symbole d’une autonomie méritée. "Délicieux" apparaît ainsi comme une comédie romantique culinaire, en costumes, dont les enjeux vont bien au-delà, dans la remise en cause de l’ordre établi et l’affirmation du principe d’égalité. Un très beau film pour cette rentrée une nouvelle fois morose.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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