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LA GUERRE DES BOUTONS

Un film de Yann Samuell

Une guerre qui n’y va pas avec le dos de la cuillère

Dans la France de 1960, deux villages se font la guerre. En effet, les gamins se vouent une haine sans borne et, dès qu’ils le peuvent, se font les pires crasses. Lebrac, le chef d’une des deux bandes, accepte l’aide d’une fille dans son équipe. Or la situation va quelque peu déraper quand le nouveau but devient de priver l’adversaire de ses boutons.

Yann Samuell nous avait offert, il y a quelques années, le très beau « Jeux d’enfants », un émouvant hommage à l’amour emmené par le charme et la naïveté de Guillaume Canet et Marion Cotillard. C’était doux et romantique, sans excès, et on était sous le charme. Force est de constater que le style brut de pomme adopté ici par Yann Samuell surprend assez. Il tente de saisir coûte que coûte les émotions des gosses, tourne autour des groupes, filme par à-coups, à l’affût. Cela donne une certaine spontanéité à son propos, mais évoque un autre genre de cinéma. Car paradoxalement, la texture glaciale de l’image et le découpage à l’emporté, parfois à l’arraché, contredisent la temporalité du récit, qui donne l’impression de se situer ici et maintenant, et non en 1960.

L’intrigue originale est respectée, mais de manière plus brouillonne. Samuell ne prend pas son temps sur des points qui nous paraissaient importants, telle que la fameuse appellation « guerre des boutons », et s’épanche au contraire plus sur certains traits de caractères de ses personnages. Il choisit par exemple de donner une vraie chance au personnage de Lebrac, qui parvient à porter le film sur ses épaules. Il est aidé pour cela par Eric Elmosnino, très bien, qui éclipse totalement Alain Chabat, dont le rôle est vraiment secondaire. Sans cérémonie, on voit Lebrac gérer sa bande et la mener à un but précis qu’il se fixe par idéal : l’indépendance et, par truchement, la liberté. Cela donne lieu d’ailleurs à un cheminement pas inintéressant de la part du gamin, qui se pose des questions importantes alors qu’il est censé être un cancre, et reprend le dessus avec son parcours scolaire atypique. On se demande même s’il ne s’agit pas d’un film traitant de l’égalité des chances, d’autant plus que les batailles de boutons avec des mioches en culottes courtes sont juste filmées ici et là, comme relayées au second plan.

D’autres éléments d’intérêt variables interviennent, tels que le curé, joué par le très bon Fred Testot, qui arbitre une partie de foot. La scène est rigolote, petits comme grands s’y affrontent, mais à part le fait de dénoncer l’affrontement général, on peine à comprend où Samuell veut nous emmener, et où sont les fameux boutons, qui ne sont jamais coupés de manière cérémoniale.

Mais finalement, ces boutons importent peu. Lors du premier coupage de boutons, on s’intéresse davantage au ressenti du gamin, qui traite tout le monde de lâche d’une manière tellement convaincante qu’il n’y pas plus personne pour le chambrer. Les bagarres sont elles aussi relativement surprenantes, car les mouflets n’y vont pas avec le dos de la cuillère… On a beau être dans un monde de mômes, ceux-ci témoignent d’une sacrée hargne, accentuée par la mise en scène et le montage très cut de Samuell. Curieusement, le film est donc assez grave, et le scénario plus dense qu’on l’escomptait. On aurait simplement aimé un peu plus d'ambition artistique.

Ivan ChaslotEnvoyer un message au rédacteur

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