CHARLIE COUNTRYMAN

Un film de Fredrik Bond

L'urgence de suivre ses élans

Charlie Countryman est suspendu par les pieds, le visage en sang. Victime d’un coup de feu, il s’écroule et tombe dans la mer. L’issue est certes fatale, mais ces derniers jours auront été les plus intenses et importants de sa vie...

Le film de Fredrik Bond, a été reçu très fraîchement par l'ensemble de la critique, lors de sa présentation en compétition au Festival de Berlin 2013. Il faut avouer que nous faisons partie des rares médias à défendre cette œuvre à part. Parce que tout d’abord le film fleure bon l’œuvre culte, mais aussi parce qu’il charrie une furieuse envie de cinéma et une nécessité de vivre... vite. Pour peu que l’on accepte le point de départ de ce conte moderne, au rythme qui ne faiblit jamais, même les plus réticents se laisseront happer par cette histoire d’amour dans l’urgence, alternant musique aérienne et boite à rythme mettant sous tension les scènes d’action ou les moments décisifs d’une existence que l’on sait courte dès les premières minutes du film.

Car "Charlie Countryman" s’ouvre sur trois morts : celle de Charlie lui même, suspendu par les pieds la tête ensanglantée, celle de sa mère, débranchée à l'hôpital, puis celle de son voisin dans l'avion qui l'emmène à Bucarest (où le fantôme de sa mère lui a dit d’aller...). Trois morts au potentiel émotionnel différent, jouant sur des cordes distinctes : celle de Charlie n’est pas initialement bouleversante, puisqu’on le connaît à peine, celle de sa mère nous arrache le cœur dans la complicité, la tendresse et les messages qu’elle porte, quant à celle du voisin de siège, elle amuse initialement, avant de devenir le détonateur de la vraie histoire du film, avec la rencontre à l’aéroport de la fille de ce dernier (Evan Rachel Wood, méconnaissable et lumineuse de fragilité) : celle qui va tout changer.

Construisant son récit sur un ton quasi prophétique, le scénario de Matt Drake interroge sur ce qui vaut la peine d’être vécu, et invite à aimer au bon moment, quitte à courir de manière effrénée et à risquer sa vie. Fredrik Bond choisit initialement d’introduire son personnage par une voix-off annonciatrice de changements, une voix grave et rassurante, qui dédramatise l'enjeu final, la mort du héros. Puis il magnifie cette histoire en collant aux basques d’un Shia Labeouf à des années lumières de ses blockbusters usuels, emprunt d’un élan désespéré. Ne coupant pas à des scènes de violences ou à un humour potache et parfois graveleux, le scénario désamorce tension ou excès par une simple réplique (la réflexion sur la faisabilité ou non de certaines menaces comme « écrire dans l’anus... et fourrer la tête dedans »), ou par des causes invraisemblables (l’œil au fond des toilettes, l’érection bloquée à cause des cachets de viagra roumain...).

Reste que cette belle histoire, haletante et passionnelle, est sous-tendue par quelques belles idées de vie, des dialogues rêvés avec une mère décédée, aux conseils sur la manière de vivre et de se rappeler du passé ou des morts (se rappeler des bons moments et pas des plus froids). Elle interroge aussi sur des questions essentielles concernant la nature de chacun et la capacité de connecter avec les autres : a-t-elle été une bonne mère ou non ? est-on capable de ne pas passer à côté de LA rencontre, celle qui se produit maintenant ? Le scénario, qui s’amuse avec les clichés (le rêve de tout garçon ? secourir une jeune femme en détresse... à l’étranger), pousse à oser agir, à prendre des initiatives et à croire en l'opportunité du moment. Il mène son personnage principal vers ce qui sera les moments les plus riches de sa vie.

Œuvre bouleversante sur la nécessité de vivre vite, la capacité de faire des choix déterminant à la fois son destin et qui l’on est, "Charlie Countryman" appuie là où ça fait mal, tout en assurant un divertissement des plus modernes. . Si « toute histoire qui mérite d’être racontée commence par un au revoir » (ou un départ), vous ressortirez de ce film avec une furieuse envie de commencer ou recommencer une histoire qui compte, et de vous battre pour ce qui vous importe.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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