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EVERYBODY KNOWS

Un film de Asghar Farhadi

Un thriller angoissant et bouleversant hautement maîtrisé

Après plusieurs années d’absence, Laura revient enfin dans son village natal, pour célébrer le mariage de sa sœur. Mais un événement tragique va complètement chambouler la fête et faire éclater les secrets et les rancœurs du passé…

Quelques semaines seulement après "Escobar", voici que débarque sur les écrans un nouveau film réunissant l’un des couples les plus glamour du Septième Art, Javier Bardem et Penélope Cruz. Alors que le premier nous avait laissé un goût amer de caricature et de cabotinage, savoir Asghar Farhadi à la tête du second avait plutôt tendance à nous rassurer, la sélection du long métrage au Festival de Cannes ne faisant que confirmer cette sensation. Et les premières minutes ne vont qu’appuyer notre a priori positif, posant les jalons de ce qui sera un drame haletant et une romance silencieuse, une œuvre féminine et solaire avant de s’assombrir au fur et à mesure d’une caméra adoptant des points de vue masculins.

Si le réalisateur iranien délaisse ici l’âme politique de son cinéma, il n’abandonne pas pour autant l’essence même de ses contes moraux, cette autopsie d’un événement dont les conséquences sont souvent plus profondes que les apparences. Les secrets du passé ressurgissent ; avec eux, les vieilles rancœurs et les remords. C’est au sein de la famille de Laura que le cinéaste va sonder l’explosion de la cellule domestique. Celle-ci revient après plusieurs années dans son village natal pour célébrer le mariage de l’une de ses sœurs. Les premiers instants sont par conséquent festifs, toute la petite tribu riant à gorge déployée et dansant jusqu’à s’en brûler les pieds. Mais la disparation de la fille de Laura va subitement couper court aux réjouissances et faire basculer le récit vers une toute autre dimension, bien plus ténébreuse.

Malgré quelques rebondissements un poil grossiers et un aspect trop démonstratif, "Everybody knows", justement parce qu’il insémine ce sentiment que tout le monde pourrait savoir, impressionne par la maîtrise de sa trame narrative et le suspense qu’il maintient. Dans ce jeu de miroirs et de non-dits, le metteur en scène se régale sans jamais se disperser, offrant plusieurs séquences poignantes où le dramatique de la situation n’est qu’un révélateur des tourments intimes. Car là est bien le sujet du film, dans cette incapacité à communiquer avec l’autre, à révéler ce que l’on a sur le cœur. Si Farhadi réussit une nouvelle fois un exercice de style parfaitement huilé, il doit également beaucoup à ses comédiens, en particulier Javier Bardem, dont la prestation hante les esprits bien longtemps après la projection. Une bien belle ouverture pour cette soixante-et-onzième édition du Festival de Cannes.

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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