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INTERVIEW

LE GRAND BAL

Laetitia Carton

Réalisatrice

Au Comoedia, la réalisatrice Laëtitia Carton est venue présenter aux lyonnais son documentaire « Le Grand bal ». L’occasion d’échanger quelques instants avec elle…

Entretien Rencontre Conférence Le Grand Bal Laëtitia Carton
© Pyramide Distribution

« On ne peut pas valser avec la caméra »

Le son et l’image sont très cinématographiques dans "Le Grand Bal". La musique est au centre du film et elle vient rythmer de longs plans-séquences qui sont la patte de Laëtitia Carton. Cette dernière explique que pour ce film, elle a voulu utiliser les plans-séquences afin de bien prendre le temps de voir le visage des gens et ainsi observer toute cette humanité défiler devant nos yeux. Sur l’ensemble du film, ce type de plan permet d’identifier certains danseurs et de les reconnaître à d’autres moments. Elle explique qu’il y avait deux équipes de tournage qui fonctionnaient « en tuile » afin que tous se réunissent pour le Bal du soir et ainsi couvrir les différents parquets. La caméra est toujours très proche des gens, car les équipes étaient au cœur du bal. Le point de vue de la caméra, dans cette recherche de vérité, est celui que prend la réalisatrice quand elle est elle-même danseuse : elle est dans le flot, et quand elle ne l’est pas, elle est entre les danseurs et les musiciens à observer. Il lui a fallu trouver des astuces et des techniques pour changer ces angles de caméra pouvant être un peu répétitifs.

La réalisatrice raconte une anecdote sur les différents formats d’image. Lors de la première projection du projet, le projectionniste leur a passé le film en CinemaScope. Ils ont été cloués sur leur siège. Ils ont donc décidé de garder ce format pour les scènes de bals. Il y a donc un effet d’élargissement de l’écran, car les autres séquences, le jour notamment et les quelques moments du boeuf, sont en 16:9 et les images d’archives sont en 4:3.

Si l’image est très charnelle, et impressionnante, ce qui marque le plus c’est le son. Laëtitia Carton considère que c’est la moitié du film et que le public le remarque en raison de la danse. Pour obtenir un son absolument impeccable, elle dit avoir travaillé avec une superbe équipe son, citant les noms de Nicolas Joly et François Waledisch. L’équipe avait un micro posé sur la console, plusieurs micros en salle et un perchiste qui allait chercher le son au cœur du parquet. L’ambiance crée est enveloppante. Il y a un vrai travail sur les transitions et sur l’atmosphère.

« Chaque coupe est un deuil »

Sur 200 heures de rush, il a fallu extraire 1 h 24 pour le film, qui est la dernière version d’une série de montages où « chaque coupe est un deuil ». Ce qui a rendu le montage vraiment difficile, c’est la présence de musique live absolument partout. Ainsi, dans les séquences de conversation, il y a de la musique en arrière-plan et couper dans le son est très complexe. La réalisatrice et son monteur, Rodolphe Molla, ont dû éduquer leur oreille et faire avec ce matériel de base très complexe.
Il leur a également fallu faire des recherches pour remettre en musique l’une des deux séquences d’archives.

Le film ménage également quelques ruptures musicales, chères à la réalisatrice. Elle voulait une rupture formelle pour montrer un métissage à l’image de la musique du Grand Bal. Laëtitia Carton explique que son autre marque de fabrique, la voix-off à partir de référence littéraire, est présente dès le début du projet.

La réalisatrice estime qu’elle exprime sa singularité au montage, alors que sa technique de tournage est plutôt conventionnelle. Le film naît pour elle au moment de la postproduction. Elle filme comme si elle faisait un tas de glaise, et ensuite elle coupe, inlassablement, pour faire émerger le film. C’est en cela qu’elle prend son plaisir. Les voix-off sont présentes dès l’origine du projet. Elle sait ce qu’elle veut dire, comme elle sait où elle veut aller, mais elle ne sait pas exactement comment et elle affine au fur et à mesure des montages. Le film est pour elle comme une tapisserie dont elle essaie de tisser tous les fils sans en oublier aucun.

« Un microcosme de la société »

"Le Grand Bal" est un vrai lieu de mixité de classe sociale, même si cela reste une population très blanche. Pour Laëtita Carton, le Bal et la danse sont l’occasion de faire un film sur l’autre et sur le partage, sur cette communauté humaine qui se retrouve et qui échange tout pendant une semaine.
Le fonctionnement du Grand Bal participe à cette idée avec un fonctionnement complètement autogéré, sans subvention, marchant uniquement sur les adhésions et sur l’entrée versée par les 2000 membres. Le Grand Bal est fait pour être accessible à toutes les bourses et tous se mêlent. Des grands avocats londoniens aux plus petites gens. Chacun vit son bal selon ses envies et ses besoins. Certains ne verront pas beaucoup le jour et d’autres pas beaucoup la nuit. Tous dorment en camping, y compris les grands musiciens.

L’autre idée forte du documentaire est de montrer cette activité encore très peu connue et de participer à la résurrection de cette culture régionale qui a été tant maltraitée depuis la Révolution. Le but de la réalisatrice est de montrer la richesse de ce patrimoine culturel oublié et l’actualité qu’il a aujourd’hui avec des musiciens qui ont digéré une série d’influences à la fois très ancrées régionalement, mais aussi mondiales. Le traditionnel bal n’est pas ce que la majeure partie des gens pensent. C’est un vivier de création.

Thomas Chapelle Envoyer un message au rédacteur

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