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INTERVIEW

GRANDE SYNTHE

Béatrice Camurat Jaud, Damien Carême et Nathalie Perrin-Gilbert

réalisatrice, maire de Grande Synthe, maire du 1er arrondissement de Lyon

Conférence de presse en présence de la réalisatrice Béatrice Camurat Jaud, du maire de la ville de Grande-Synthe Damien Carême et de la maire du 1er arrondissement de la ville de Lyon, Nathalie Perrin-Gilbert à l’occasion de la sortie du film documentaire « Grande Synthe« .

Entretien Interview Rencontre Béatrice Camurat Jaud réalisatrice du film Grande Synthe
© J+B Séquences Distribution

Apprivoiser la ville par l’image

Béatrice Camurat Jaud explique son processus créatif. Elle travaille beaucoup en musique ; certains plans sont pensés sur un rythme musical. Elle est arrivée à Grande-Synthe en mars 2016 et a achevé le tournage en août 2017. Sa volonté était de ne pas plaquer sur la ville des choses qu’elle aurait amenées avec elle. Pour ce faire, elle a rencontré des habitants et a aussi beaucoup travaillé et discuté avec le maire Damien Carême, et avec Brigitte Mounier et ses acteurs de la Compagnie des mers du Nord. Ce sont les discussions avec ces derniers qui ont donné naissance à la parole très écrite qui est la leur dans le film.

Cette méthode a conduit la réalisatrice à revenir deux fois à Grande-Synthe pour parler avec Damien Carême car il lui manquait des points de détails. C’est donc bien la ville qui vient structurer la forme et le récit visuel. Bien que le documentaire soit en partie écrit, c’est l’actualité, comme l’incendie du camp des « chercheurs de refuges » (expression de Damien Carême) qui guide l’action. Quelques séquences étaient cependant incontournables, comme le Carnaval ou la Fête du Monde Ouvrier.

Un documentaire très cinématographique

Il y a beaucoup de mise en scène dans "Grand-Synthe". Sous les rires généraux, la réalisatrice explique que la première fois qu’elle est arrivée dans cette ville, elle a eu l’impression de rentrer dans l’Enfer de Jérôme Bosch. Mais cela ne signifie pas que Grande-Synthe est un enfer, car c’est au contraire une ville très belle, où même les grosses industries polluantes produisent une fumée très cinégénique. La réalisatrice ne fait que photographier en prenant le temps, seule, tôt le matin et tard le soir. Filmer seule, et filmer pendant le repérage, cela lui permet de capturer des petits moments rares, de livrer des images inédites, prises sur le vif, et parfois de saisir des images cocasses, par exemple les rangs de CRS qui bloquent l’entrée du camp de la Lumière et qui ont dans leur dos des banderoles avec écrit « Welcome ».

Entrer dans Grande-Synthe

Le premier défi de Béatrice Camurat Jaud sur son film a été de trouver un point d’entrée à la ville de Grande-Synthe, qu’elle voyait emprisonnée entre la digue du Braek et l’autoroute. Son idée première était de faire un travelling depuis la mer, mais à cause d’une avarie technique, ce plan a dû tomber à l’eau. Elle a donc imaginé un autre début : un long travelling sur cette digue un peu sauvage à partir d’une plage déserte pour arriver sur l’usine ArcelorMittal.

Dans le montage final, c’est une série de photographies d’archives, provenant du port autonome, qui retrace la construction de la digue et la naissance de la ville de Grande-Synthe. Le port a exigé un droit de regard et donc de censure sur le film. Ce droit a été exercé et ils ont enlevé à la réalisatrice certaines images. Elle explique qu’en tant que documentariste, elle ne peut pas toujours faire tout ce qu’elle veut, même si elle essaie.

Béatrice Camurat Jaud évoque également d’autres images manquantes : celles des bénévoles de l’association Gynécologie Sans Frontières qui font un travail essentiel auprès des migrants, et qui ont demandé à ne pas être filmés afin de garder la relation de confiance établie avec les migrants. Le générique remercie d’ailleurs tous les migrants qui ont accepté d’être filmés alors qu’apparaître à l’écran peut représenter un danger pour eux, en partie juridique.

Écrire un nouveau discours

Une grande partie de la discussion lors de la conférence de presse, en raison des problématiques présentées par le film et de la présence de deux maires, a porté sur la migration et sur l’accueil. « Écrire un nouveau discours » est une expression de Nathalie Perrin-Gilbert en ce qui concerne les politiques d’accueil en France. Damien Carême parle de « la technique du pourrissement et de l’épuisement des politiques actuelles ». Il n’y a, selon lui, pas de problème migratoire, mais un problème d’accueil et un problème en ce qui concerne l’énergie déployée à ne rien faire. La volonté du film et des Etats Généraux de l’Association des Villes et Territoires Accueillants est de montrer que des actions sont possibles à propos des migrants, que certaines sont mises en œuvre un peu partout, que des hommes et des femmes peuvent faire des choses qui fonctionnent vraiment, et que ces actions peuvent avoir une portée sociale, mais aussi une portée écologique.

Thomas Chapelle Envoyer un message au rédacteur

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