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INTERVIEW

VIVA LALDJERIE

Nadia Kaci estime que le film est fortement optimiste, car à partir du moment où il permet de parler de la condition de la femme, de sa réalité algérienne, cela veut dire que l’on peut changer les choses. Pour elle, ce genre de portraits de femmes est une nouveauté en Algérie. Pour la product…

© Patrice RICCOTA

Nadia Kaci estime que le film est fortement optimiste, car à partir du moment où il permet de parler de la condition de la femme, de sa réalité algérienne, cela veut dire que l'on peut changer les choses. Pour elle, ce genre de portraits de femmes est une nouveauté en Algérie. Pour la productrice, le film permet également de lever des tabous. Ils ont présenté le film samedi dernier à Alger, et le film est sorti dimanche. Il montre certes des femmes marginales, mais permet de considérer leur existence. Et cette existence même est une chose violente pour le public algérien. Mais plus que les portraits de femmes, ce sont les scènes de nu, notamment du début qui ont choqué, car il s'agit là d'une représentation interdite.

La quête, pour le personnage de Goucem, est de vivre ce qu'elle est. L'amour, elle n'y a pas vraiment pensé, jusqu'à la fin du film, où elle se rend compte qu'il peut y avoir des mecs biens. Dans la scène finale, elle ne se compromet pas en retournant vers l'homme, elle ne se résigne pas. Ce jeune homme qui la suit depuis le début accepte son autonomie de femme. Il lui propose de jouer au foot, elle dit préférer le billard. Et surtout, il ne ment pas, contrairement au docteur, qui a bâti toute sa vie autour du mensonge, qui ment à tout le monde. Il est un garçon pertinent. Quand elle lui demande si il a une voiture, il lui renvoi la question. Pourquoi est-ce que lui en aurait une, si elle n'en a pas ?

Mais avant d'être des femmes, ces trois personnages sont des caractères. Certes ce sont des femmes qui se voilent, car leurs vies les obligent à se cacher, pour ne pas avoir d'ennuis. Elles n'ont simplement pas envie d'être embêtées. L'actrice qui interprète Goucem n'est pas algérienne, mais marocaine. Pour Nadia Kaci, il fallait une certaine distance pour accepter le rôle. Elle même est partie de l'Algérie il y a plus de dix ans, ce qui était nécessaire pour pouvoir continuer à être une actrice. Son personnage, Fifi, peut être qualifié comme le plus ouvert, le plus généreux. Elle n'est pas malheureuse d'être une prostituée. Elle ne se considère pas comme une victime. C'est ce qui lui donne la force d'avancer, de s'intéresser encore aux autres.

Lubna Azabal (Goucem), a un rôle bien différent, et pour elle beaucoup plus difficile, car tout en nuances. Surtout qu'à côté il y a deux personnages extravagants. Son personnage est plein de contradictions. A côté, il y a Biyouna, qui est un personnage à part entière. C'est une ancienne danseuse dans le film. Elle est donc mal vue, mais ne s'en rend plus compte. Pour son personnage de Fifi, Nadia Kaci a voulu appuyer l'accent algérien.

L'utilisation de la langue française a plus surpris les journalistes que le public algérien, qui l'a pris plus comme une convention. Certes au début du projet, les producteurs avaient envie de faire le film en algérois dialectal, mais tout un casting parlant cette langue aurait été difficile à réunir. Il ne faut pas oublier que l'Algérie est le deuxième pays francophone après le Québec. Nadia Kaci ajoute que de tous temps les algériens se sont posé la question de leur langue. Le français permet en tout cas de poser une distance, car la vision que le film donne de soi serait trop violente sinon.

Selon les trois invités, les conditions de tournage ont été plutôt bonnes. Pour Nadia Kaci, l'existence de l'année de l'Algérie a fait beaucoup pour le film, et pour les productions locales en générale. La productrice ajoute qu'il est aujourd'hui possible de monter un film en Algérie, même si les structures de production ont disparu et qu'elles commencent juste à renaître. Pendant la préparation, le producteur signale qu'ils avaient listé les éléments qui étaient nécessairement à tourner en Algérie, et ce qui pouvait être fait ou reconstitué ailleurs. Mais lors des repérages, ils se sont aperçu qu'il n'y avait pas de danger. Du coup, ils se sont permis de bloquer la place principale d'Alger pendant une journée entière (voire la scène du mariage), ce qui aurait été impossible en France. Pour la pizzeria, il raconte que malgré la foule, il a suffit de demander le silence pendant les prises, pour que les gens se taisent, ce qui aurait été inimaginable ailleurs.

Au total le tournage aura duré près de 30 jours, et leur semble donner de nombreux points de vue sur la ville d'Alger. Quant on les interroge pour finir sur le rôle des cabarets, déjà au centre du film Satin Rouge l'an dernier, ils rappellent que le jeudi soir les gens vont au cabaret, mais que les femmes ne sont pas conviées. Ils signalent également qu'il y a un nombre impressionnant de cabarets à Alger, mais qu'ils ne sont pas mis en avant. Ainsi, de même que pour certains restaurants où on peut boire de l'alcool, ces lieux sont presque clandestins. Ils se cachent derrières de petites portes anonymes. Le cabaret est donc un lieu secret dont on ne parle pas en présence de tout le monde. D'où le rapport ambiguë entre Papicha et Fifi, car si la première, danseuse, éprouve du mépris pour la seconde, prostituée, la société les place au même niveau.

Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur

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