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INTERVIEW

NOUVEAU RUSSE (UN)

Pour Pavel Lounguine, la part de documentaire dans son film réside dans le fait de tisser des réalités, tel le chantage en direct à la télé, qui a eu lieu contre un procureur de la Russie. Il ne s’agissait cependant pas de dénoncer, mais de se poser des questions. Où allons nous ? et pourquo…

© Patrice RICOTTA

Pour Pavel Lounguine, la part de documentaire dans son film réside dans le fait de tisser des réalités, tel le chantage en direct à la télé, qui a eu lieu contre un procureur de la Russie. Il ne s'agissait cependant pas de dénoncer, mais de se poser des questions. Où allons nous ? et pourquoi ? Il s'agissait d'expliquer comment des gens qui ont su dépasser les guerres sont impuissants face à l'argent.

La société perd ses repères. Les universitaires, des gens sympathiques, entrent le domaine de la finance et pervertissent le système. Il s'est inspiré du livre de Beresovsky, concernant notamment l'histoire des 2000 voitures, dont le coupable s'est enfuit en 91, mais comparaîtra bientôt. Pour lui, le temps d'Eltsine était beaucoup plus libre qu'aujourd'hui en Russie, même s'il avait quelque chose de plus chaotique. Sa critique dans le film porte plus sur les liens entre politique et mafia, existant aujourd'hui. Mais il n'a pas eu pour autant, de problèmes pour tourner en Russie.

Aujourd'hui, les chaînes de télé sont rachetées par l'Etat, et il n'existe plus qu'un seul quotidien influent. Cependant, les gens vivent de mieux en mieux, et une classe politique, une classe d'homme d'affaire et une classe moyenne se construisent. Il n'y a plus de dinosaures. Il en veut pour preuve que les gens commencent à voyager.

Le film a été très bien accueilli par le public russe, mais bien évidemment, il confirme qu'on ne peut pas battre Harry Potter. C'est donc toutes proportions gardées. Quand on le compare à " il était une fois en Amérique ", version russe, il aime à penser que le cinéma crée des mythes. Mais il affirme aussi que ce type de cinéma a été tué par la nouvelle vague et le réalisme.

Dans son film, comique et tragique se mêlent. Il y a beaucoup d'humour et de désespoir dans tous ses films. En russe, le film s'appelle 'oligarque', mot qui n'existe pas en français (proche d'oligarchie. Il estime que l'on vit aujourd'hui, dans tous les pays modernes, dans un " cleptocratie ", et que le cinéma est une sorte de psychanalyse qui permet de gérer une réalité difficile.

Il a choisit le nom de Platon pour son héros, de manière à évoquer une sorte de " Mozart noir de la finance ", un homme qui n'a pas de morale, qui reste un enfant, joueur et insaisissable. C'est un peu une sorte de Faust, qui se fait attraper et devient seul. Il perd son humanité, et lorsqu'il rentre en guerre avec le pouvoir, devient un monstre.

Sa mise en scène nécessitait de nombreux flash-back, car sinon la linéarité risquait de provoquer l'ennui. Il a choisi trois modes représentation. Les souvenirs de jeunesse, avec beaucoup de couleurs et une caméra statique. Les coups des truands avec une image métallique, couleur acier. Et enfin le présent, où il pleut tout le temps. Dans ce présent, son personnage principal peut tout se permettre, il n'a plus envie de rien. Il s'agissait de montrer ses manques, ses valeurs, pas de dénoncer le fait qu'il soit riche.

L'acteur principal (Vladimir Machkov) est une grande star en Russie. Il le trouvait un peu trop beau pour le rôle, et aurait aimé " lui écraser un peu la figure ". Mais il avait ce côté mélange de force et d'enfantin. A un moment, ce dernier s'affronte, chose inévitable, avec la police. Pour Pavel Lounguine, la police est " le fléau terrifiant ", car tous les bandits l'ont intégré. Du coup, le flic provincial est le seul personnage qui peut être libre. Et la fin reste ouverte.

Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur

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