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INTERVIEW

MEA CULPA

Journaliste : « Mea Culpa » est essentiellement un film d’action. Comment se prépare-t-on, en tant qu’acteur, pour un film aussi physique ?

Fred Cavayé : Il faut forcément se préparer, pour ce type de film, car sans préparation, c’est difficile d’aller au bout du tournage…

© Gaumont Distribution

Journaliste : "Mea Culpa" est essentiellement un film d’action. Comment se prépare-t-on, en tant qu’acteur, pour un film aussi physique ?

Fred Cavayé : Il faut forcément se préparer, pour ce type de film, car sans préparation, c’est difficile d’aller au bout du tournage, sans se faire très très mal. C’est comme un sportif qui voudrait courir un marathon, et qui ne s’entraînerait jamais… Là, ce que je leur demandais, tous les jours, c’était quasiment un marathon. Ou au moins un semi. Physiquement, c’était très compliqué. Et même si les deux premiers jours vous pouvez tenir, le troisième vous vous faites mal. Le corps ne peut pas tenir un tel rythme.

Gilles Lellouche : Pour se préparer, c’est simple : du sport, beaucoup de sport. Et, aussi, beaucoup de répétition des nombreuses bagarres qu’il y a dans le film. Indépendamment de la préparation physique, sur l’endurance, il faut être très au point sur les chorégraphies, pour éviter de se faire mal. Sinon, ça devient de la bagarre pure ! Bon, pour être honnête, c’est une question qui revient souvent, et c’est normal, en un sens, vu l’implication physique que nous demande un film comme celui-ci, mais… c’est toujours un peu chiant d’expliquer comment on fait les choses. Au même titre que je trouve toujours chiant que l’on ait des making-of qui expliquent comment vole Superman, alors que c’est justement l’idée qu’il vole qui est géniale. Donc là, je pourrais vous raconter qu’on a travaillé dans des gymnases, avec des coachs, mais bon, ça n’est pas très excitant, ni pour moi ni pour vous. La seule chose que je peux vous dire, c’est qu’en fait, toute cette douleur physique, toute cette rigueur, cette dureté, même, sur le tournage, n’était rien par rapport au plaisir qu’on a eu à faire ce film. Et puis, parce que c’est l’une des très très rares fois où un réalisateur me propose un truc pareil. Parce que le film d’action, en France, n’existe tout simplement pas… On était donc dans un rapport de jeu très enfantin, un vrai rendez-vous avec l’enfant qu’on était tous : le fait de courir, de se battre, de dévaler des pentes, tout ça était tellement jouissif, que toute la douleur physique a été relayée au deuxième plan. On s’est fait des bobos, vraiment, il y a eu de la sueur et du sang, vraiment, mais je n’en retiens aucun autre souvenir que l’excitation et le plaisir de l’avoir fait.

Journaliste : Pour vous aussi, Vincent, c’était un plaisir, presque enfantin, de faire toutes ses choses folles pour le film ?

Vincent Lindon : J’ai adoré faire ça, pour toutes les mêmes raisons évoquées par Gilles. Et d’autres, dont il n’a pas parlé, mais qu’il a lui aussi dû ressentir : c’est toujours extrêmement agréable de retrouver un metteur en scène avec lequel on a déjà fait un film. C’est très rassurant. C’est rassurant de savoir qu’un metteur en scène vous propose de faire un deuxième film avec lui, et c’est rassurant de s’apercevoir que ce qu’on lit nous plait autant que la première fois qu’on l’a rencontré. Il y a aussi le plaisir de rencontrer un acteur avec lequel je n’avais jamais travaillé. La seule chose qui m’est très compliquée, là tout de suite, c’est de replonger dans des impressions que j’ai eues il y a un an… J’ai un peu l’impression de me tirer une balle dans le pied. Parce que je ne pense pas qu’on doive rencontrer les acteurs d’un film, et encore plus spécifiquement d’un film d’action. On joue des héros, et je crois que nos explications ne doivent pas dissuader quelqu’un d’exciter par le film, d’y aller sous prétexte qu’on aurait dévoilé tous les secrets de fabrication… C’est pas facile ! Enfin bon, je vais vous dire : je me souviens d’une publicité, de Sony je crois, qui disait « Vous l’avez rêvé, Sony l’a fait ». Et bien ce film, je l’ai rêvé, et Fred l’a fait ! J’ai vraiment rêvé, depuis que je fais ce métier : un, d’être flic ; deux, dans un film aussi bien filmé que chez les Américains ; trois, j’ai une folie pour les duos d’homme, à la Newman-Redford, et je voulais absolument en faire un. Et là, tout y est ! En plus du plaisir évident d’avoir pu jouer aux gendarmes et aux voleurs…

Journaliste : Est-ce que c’est vraiment un confort, de tourner avec un réalisateur qui vous connaît, ou est-ce que vous vous devez de toujours le conquérir, en montrant autre chose de vous-même ?

Vincent Lindon : Je crois qu’il y a des avantages, et des désavantages. L’avantage, c’est que la conversation reprend là où elle s’est arrêtée, à la fin du premier film. Il y a donc beaucoup qu’il sait de nous, qu’on sait de lui, et c’est un énorme avantage pour entrer directement dans le gras du travail. Le désavantage, évidemment, et je le comprends très bien, c’est qu’on a eu beaucoup moins de compliments, Gilles et moi. (Rires.) Mais c’est normal, il nous connaît, donc il ne perd pas de temps à nous dire qu’on est géniaux ! C’est très excitant, parce que la barre est placée plus haut, et c’est à nous de faire en sorte d’arriver à l’épater. Il y a aussi un risque, à retravailler avec quelqu’un qui nous connaît, c’est la complaisance. Et là, honnêtement, on n’a pas eu le temps ! Fred était tout le temps, tout le temps, dans son film. Donc pas de place pour une éventuelle complaisance.

Journaliste : Frédéric, vous retrouvez ici deux acteurs que vous connaissez bien. Est-ce que la répartition des rôles s’est faite naturellement, ou avez-vous eu la tentation, à un moment, d’inverser les deux rôles ?

Fred Cavayé : Déjà, là, c’est surprenant, car Vincent n’avait jamais joué de flic. Et c’est quand vous dites ça que les gens sont surpris ! Quand Vincent dit que c’est son premier rôle de flic, les gens ont l’impression de l’avoir déjà vu plein de fois dans ce type de film… À la base, le point de départ est de créer un duo de cinéma, avant même de savoir que ça va être cette histoire-là. Donc, non, pour moi c’était évident de cette façon. J’ai essayé de choisir ce qui pouvait être le mieux pour mon troisième film. C'est-à-dire un mix des deux premiers. Et comme je n’ai pas beaucoup d’imagination, et que j’avais déjà travaillé avec les deux meilleurs… Ils ne sont pas rancuniers d’ailleurs, même si on commence effectivement à être un vieux couple… (Rires.)

Gilles Lellouche : Pour rajouter une chose sur ce qu’a dit Vincent, sur des films comme ça, qui sont très techniques, l’avantage d’avoir tous les deux déjà travaillé avec Fred, c’est qu’on connaît sa méthode de travail, sa grammaire cinématographique. Il y a des scènes, on voulait absolument les jouer en entier, Vincent et moi, on voulait tout refaire à chaque fois, par souci de bien faire. Et Fred nous disait « Non, non, moi j’ai juste besoin de ce truc-là, c’est mon plan de coupe qui m’amène là, tu vois ». Et sur "À bout portant", ça m’avait déstabilisé, je comprenais rien à ce qu’il me racontait… Pour le coup, c’était très difficile à appréhender. Et puis finalement, en voyant le film, on s’aperçoit à quel point il a son montage dans la tête. C’est le plus étonnant. Fred est l’un des rares metteurs en scènes que j’ai vu travailler, à avoir a priori, son montage dans la tête. Pendant qu’il tourne, il monte en même temps, c’est assez troublant. Mais sur l’expérience de "Mea Culpa", le fait d’avoir déjà travaillé avec lui, nous a beaucoup rassurés. Ça permet d’être dans une confiance absolue.

Fred Cavayé : De toute façon, c’était impensable sans eux. Avec d’autres comédiens, il aurait fallu un temps d’adaptation que l’on ne pouvait se permettre. Et c’est tellement difficile de faire un film comme ça, qui n’a pas le budget d’un film anglo-saxon, qu’il faut être efficace dès la première seconde du tournage. Heureusement qu’ils m’ont fait confiance. Parce que se faire mal, et ils se sont fait mal, et savoir que c’est pour la bonne cause, ça nécessitait d’avoir déjà travaillé ensemble. Parce qu’ils ont déjà eu mal en tournant avec moi, mais ils savent que la récompense est sur l’écran.

Journaliste : En faisant ce film, vous aviez la volonté de faire quelque chose que le cinéma français ne fait pas ?

Fred Cavayé : Non, non. Je voulais mettre la barre plus haute qu’avec "À bout portant", mais sans autre prétention que de servir cette histoire précise. Le but était simplement de faire un vrai spectacle. Le challenge n’a jamais été de faire mieux que les autres, non. Vous savez, il faut faire les films pour les bonnes raisons. Et vouloir proposer un bon film de spectacle, c’est une bonne raison !

Journaliste : Le film est incroyablement rythmé et efficace. C’est quelque chose que vous obtenez au montage ?

Fred Cavayé : C’est pas là que se fait le film, vraiment. Vous pouvez multiplier les plans par quatre, ça ne donnera pas un film rythmé. C’est le scénario qui fait tout. Si vous écrivez du mou, vous filmerez du mou et vous monterez du mou. Sincèrement. J’ai beau avoir le meilleur monteur, en France, pour ce type de film, si je lui amène de la matière molle, ou même si j’ai filmé avec 17 caméras, ce sera irregardable, et pas plus rythmé. Vraiment, c’est l’écriture. Ce qui est terrible, c’est que vous passez un temps fou sur l’écriture, et après, la principale critique se fait sur le scénario. Regardez pour "Gravity", j’ai pu entendre dire que c’était bien mais qu’il n’y avait pas de scénario ! Allez faire une heure et demie sur une nana en apesanteur, et où on ne s’ennuie pas… C’est brillantissime, comme scénario. Alors effectivement, c’est sûr, c’est pas Guerre et paix… Après, si moi j’écris du "Speed" et que je fais que des plans-séquences, ça n’a aucun sens. Il faut une mise en scène, un montage image et un mixage son qui aillent sublimer votre scénario.

Journaliste : Il y a un complexe, selon vous, en France, vis-à-vis du cinéma dit « de genre » ?

Fred Cavayé : Oui, on est assez complexé, en France, par rapport à ce type de films. Le film de genre, ici, c’est très compliqué. Quand on aime bien ce genre de films, on dit que c’est une bonne série B. Voilà. C’est plus facile de dire que "L’Inconnu du lac", c’est pas mal, que de dire « Dis donc, j’ai revu "Peur sur la ville", avec Belmondo, ouah, c’est mortel, quand il court sur les toits de la ville, et tout ! » Ça fait pas très chic, quoi. Mais c’est peut-être un truc parisien, ça. Moi je suis Breton, alors… (Rires.) Mais bon, la base de tout ça, c’est la notion de plaisir : accepter, déjà, que le cinéma ça reste du plaisir. Il y a des films qui ont un intérêt énorme, mais que pendant le temps de leur durée. Et bien moi, j’en vois des films comme ça. Et j’adore ça. Aussi. J’aime autant "Welcome" que "Peur sur la ville", quoi !

Journaliste : En reprenant les acteurs de vos deux précédents films, et en liant l’émotion de "Pour elle" à l’action d’"À bout portant", est-ce une manière pour vous de boucler une boucle, et de, peut-être, partir ensuite sur un autre genre d’univers, une autre envie de cinéma ?

Fred Cavayé : Peut-être, oui… Ce qui est certain, c’est que j’ai voulu prendre le meilleur des deux films, et aller un peu plus loin. Ça, c’est ce que je voulais faire. Maintenant, c’est sûr que ça déclenche d’autres envies. En parlant de cinéma de genre, on en faisait, dans les années 50 ou 60, avec les films de Georges Franju, "Les Diaboliques" de Clouzot, et j’aimerais bien aller par là, par exemple vers le film à suspense, mais qui ne soit pas policier. Ou vers le film d’anticipation, j’adorerais.

Frederic Wullschleger Envoyer un message au rédacteur

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