Bannière Reflets du cinéma Ibérique et latino américain 2024

INTERVIEW

INTRUDERS

Journaliste :
Vous appartenez à une génération de jeunes réalisateurs comme Pablo Sorrentino, remarqués dans leur pays, et qui ont commencé à faire des films en langue anglaise, notamment pour les studios américains. Y-a-t-il une ligne que vous voulez suivre, un fil directeur ?

© Universal Pictures International France

Journaliste :
Vous appartenez à une génération de jeunes réalisateurs comme Pablo Sorrentino, remarqués dans leur pays, et qui ont commencé à faire des films en langue anglaise, notamment pour les studios américains. Y-a-t-il une ligne que vous voulez suivre, un fil directeur ?

Juan Carlos Fresnadillo :
Je suis comme un conteur d'histoire. Ce qui est intéressant, dans les films industriels et dans les autres, c'est de pouvoir donner une certaine personnalité à ce type de projets. J'aimerais bien travailler dans les deux champs, si on me permet de continuer. Je tâche en tous cas d'exprimer des sentiments, des choses que j'ai vécues...

Journaliste :
Le script cette fois-ci n'est pas de vous. Pourtant « Intruders » paraît un film personnel, comme sorti de rêves d'enfants...

Juan Carlos Fresnadillo :
J'aime mettre sur écran mes cauchemars. Je me souviens de mon enfance, des histoires sombres qu'on se racontait dans ma famille... des sortes de secrets. Cela m'intéressait de voir comment nos parents transmettaient les peurs, quels sont les fantômes qu'on se construit petit. Le facteur humain, dans toute histoire surnaturelle, est donc forcément important. J'ai subi diverses influences, dont celle d'Alejandro Jodorovski, pour traiter de la transmission de la peur.

Journaliste :
Clive, vous avez travaillé peu de temps sur le tournage. Quel type d'énergie avez-vous dû développer pour ce rôle ?

Clive Owen :
Je l'ai choisi comme n'importe quel rôle. J'avais vu et aimé « Intacto » et « 28 semaines plus tard ». Quand j'ai lu le script, j'ai apprécié l'approche très psychologique et le fait que toute la peur passe par les personnages.

Journaliste :
Juan Carlo, Pouvez-vous nous parler des choix plastiques et esthétiques, et du rôle de l'ombre dans le film ?

Juan Carlos Fresnadillo :
Ce devait être une fable. Du coup, il y a en effet une importance de l'ombre, qui devait être traitée de manière particulière. Nous devions jouer entre réalisme et fantastique... créer quelque chose de tangible, qui devait incarner la menace (autant en Espagne qu'en Angleterre...).

Journaliste :
Vu depuis le Mexique, on a l'impression qu'il se fait beaucoup de films d'horreur en Espagne, avec des enfants, basés sur leur peur... Peut-on faire un lien avec la situation des pays, sur la manière dont se transmet la peur ?

Juan Carlos Fresnadillo :
Je suis espagnol. Je reflète forcément la situation de mon pays. Ici, il y a un secret caché pendant longtemps, qui prend la forme d'un fantôme et s'attaque aux jeunes générations... comme un mouvement... Mais dans le fond, je suis plus intéressé par la famille, l'influence du noyau familial, et comment celui-ci influence ses membres... Ce qui me fait le plus peur, c'est certainement de découvrir la face obscure de mes ancêtres.

Journaliste :
Pourquoi l'intrigue se résout-elle finalement à Londres ? Pourquoi ces deux lieux (Madrid et Londres) ?

Juan Carlos Fresnadillo :
Cela a à voir avec comment tu racontes les contes à tes enfants, et aussi avec ce que tu leur caches. La sur-protection peut finir par créer un fantôme énorme... Et tôt ou tard, tu devras te confronter à ce fantôme, régler des choses. Même si la source a son origine en Espagne, cela peut se passer dans un autre lieu.

Journaliste :
Clive, vous interprétez des personnages tellement à part. Ce ne sont pas des héros...

Clive Owen :
Je suis avant tout attiré par des films ambitieux, avec une vision, réalisés par de jeunes réalisateurs talentueux. Je recherche une approche émotionnelle...

Journaliste :
On peut voir dans votre film une allusion à « L'Exorciste », avec une démystification plaisante...

Juan Carlos Fresnadillo :
C'est un film que j'ai vu de nombreuses fois étant petit, un drame psychologique tellement fort, que tu as du mal à la revoir. Quand arrive cette possibilité dans le film, que surgit l'ombre de Friedkin, j'ai voulu prendre le contre-pied avec un personnage qui ne croit pas en ce qui se passe, et re-détend finalement l'ambiance. On peut alors aussi penser que la folie est une piste...

Journaliste :
Il y a une certaine cohérence dans vos films. Vous devez beaucoup à la Semaine de l'horreur de San Sebastian ou au Festival de Sitges ?

Juan Carlos Fresnadillo :
C'est une histoire très personnelle, j'ai passé beaucoup de temps pour la rendre accessible (pour permettre de capter l'attention). Cela m'intéresse quand l'homme tente de lutter contre le divin, contre quelque chose qui n'a pas forme humaine. Quant aux festivals, ils ont été importants dans ma carrière. De plus, ce sont les lieux où je peux découvrir le cinéma que j'aime : le fantastique.

Journaliste :
Pilar, vous faites ici une incursion dans le film de « terreur ». En tant qu'actrice, qu'est-ce que vous y avez trouvé de nouveau ?

Pilar Lopez de Ayala :
Ce n'est pas tant une question de genre. C'est avant tout une bonne histoire. Quand on me l'a racontée, j'ai pensé que c'était une blague, qu'on ne pouvait pas me proposer ce rôle. Mais c'était un personnage avec beaucoup de teintes différentes, beaucoup d'aspects différents. Un personnage complexe...

Journaliste :
Ella, vous en êtes aujourd'hui à votre deuxième film avec un réalisateur espagnol...

Ella Purnell :
J'aime le cinéma espagnol. Sur le tournage, c'était comme dans une grande famille... Mais ce sont deux réalisateurs très différents. Gustavo (« Vivir para siempre ») est très relax sur le plateau, il est facile de parler avec lui. Sur « Intruders », je ressentais une importance de l'énergie, comme guidée par Juan Carlos...

Journaliste :
Et vous Daniel, comment avez-vous abordé la préparation de votre rôle de prêtre ?

Daniel Brühl :
Un jésuite m'a invité à rendre visite à sa congrégation dans un faubourg de Madrid. J'y ai rencontré des gens pauvres, loin des clichés de gens fermés... Je suis allé à la messe, j'ai dormi avec la bible à côté... Ce que je n'ai pas l'habitude de faire (rires)...

Propos recueillis par Olivier Bachelard

Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur

À LIRE ÉGALEMENT