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Critique Série : NO LIMIT

Série créée par Luc Besson
Avec Vincent Elbaz, Sarah Brannens, Anne Girouard, Hélène Seuzaret, Bernard Destouches, Damien Jouillerot, Christian Brendel, Philippe Hérisson, Philippe Nahon, Moussa Maaskri…

Première diffusion en France : 2012 sur TF1
Format : 52 minutes en moyenne par épisode (6 épisodes pour la saison 1)
Site officiel : TF1

Synopsis
Lors d'une intervention d'un groupe de la DGSE en Afrique, un des agents, Vincent Libérati, est victime d'un malaise. Rappatrié en France, il se voit annoncer un terrible verdict : il est atteint d'une tumeur au cerveau qui ne lui laisse que quelques mois à vivre. Une section ultra-secrète de la DGSE, basée à Marseille, lui propose alors un traitement expérimental qui lui permettrait non pas de guérir mais de prolonger sa vie. En échange, il devient un agent spécial pour des missions sur le territoire français. Il accepte avec une seule motivation : pouvoir passer plus de temps avec sa fille de 16 ans, Lola, qu'il a trop délaissée à cause de sa vie professionnelle passée. Une double vie commence alors pour lui à Marseille, où il enchaîne les missions tout en essayant de tisser de nouveaux liens avec sa fille et en composant avec son ex-femme. Il doit aussi être inventif durant ses missions pour ne pas croiser sa propre soeur, Juliette Lambert, une commissaire de police opiniâtre qui intervient, au fil de ses enquêtes, sur les mêmes affaires que lui.

Critique : Taxi + Transporteur = no limit

Au moment où Luc Besson inaugure sa Cité du cinéma (avec studios, école, etc) et où sa société EuropaCorp se lance dans la production de séries télévisées ("Le Transporteur" et "No Limit"), on peut d’abord se dire que tout cela s’apparente plutôt, en cette période de crise, à une bonne nouvelle pour l’économie française en général et pour le monde de l’audiovisuel en particulier. Mais a-t-on aussi des raisons de s’en féliciter si on se préoccupe de l’aspect qualitatif ? Les premiers épisodes de "No Limit" (sur les six que compte la première saison), diffusés sur TF1 en novembre 2012, apportent un premier élément de réponse.

Le premier épisode s’ouvre sur une scène d’intervention d’un groupe armé français dans un pays d’Afrique, apparemment dans le cadre d’une mission de la DGSE contre le terrorisme. Le héros, un combattant d’élite joué par Vincent Elbaz, reçoit alors sur son portable un appel de sa fille de 16 ans dont il s’est très peu occupé depuis sa naissance, appel qu’il juge suffisamment important pour répondre en pleine action, avec l’aval de son supérieur qui lui ordonne seulement de faire vite ! Le ton est donné : de l’action plutôt gratuite (car on n’embarrasse peu le spectateur avec une mise en contexte ou une justification de l’action) et de l’humour plutôt balourd, lequel passe avant tout par le dialogue et par l’incongruité de la situation dont l’absurdité est pleinement assumée. En fait, on cerne tout de suite la patte Besson (du moins celle qui le caractérise depuis la fin des années 90, que soit comme réalisateur, scénariste ou producteur) : un scénario fait de grosses ficelles, des personnages à la psychologie « discount » et au charisme souvent proche de la passoire à nouilles, une volonté d’en mettre plein les yeux quels que soient les moyens, et de la comédie réchauffée dans de gros sabots.

Même si le pitch est différent, on pense tout de suite à la saga "Taxi" et la comparaison se confirme dès les scènes suivantes : une commissaire décalée assistée d’un flic au QI primitif (comment ne pas penser au commissaire joué par Bernard Farcy), une action qui se recentre sur Marseille (comment ne pas faire également une comparaison avec "Plus belle la vie", l’autre série marseillaise du moment, dont "No Limit" n’atteint heureusement pas le même niveau cul-cul-la-pralinesque ?), un héros qui se retrouve dans un univers qui n’est pas le sien (on y reviendra plus loin) ou encore l’imbrication entre des missions importantes et des préoccupations du quotidien (dans "Taxi" c’était plutôt du côté de la séduction, ici c’est surtout la relation père-fille).

Le ton, qui manque de finesse, est donc immédiatement donné, et le générique, à l’esthétique cheap, amplifie cette impression d’être revenu 10, 15 voire 20 ans en arrière : à lui tout seul, le choix peu inspiré du titre de la série peut soit donner l’impression que Besson fait de l’autocitation en référence à ces premières amours (l’apnée « no limit », discipline qu’il avait mise à l’honneur dans "Le Grand Bleu"), soit faire ressurgir des abysses de notre mémoire le titre d’une série neuneu ("Extrême Limite", qu’on peut tout de suite s’empresser d’oublier à nouveau !). En quelques minutes, ces premières impressions nous fournissent déjà le constat suivant : cette série arrive bien trop tard, à une époque où elle ne peut ni rivaliser avec les séries d’action américaines (elle aurait pu à la rigueur se mesurer à celles des années 80 ou 90), ni s’inscrire dans la liste des séries françaises récentes qui ont réussi à dépoussiérer la production hexagonale (celles de Canal+ et d’Arte, voire dans une moindre mesure celles de France Télévisions). En fait, tout devient plus positif si on change de point de vue en envisageant "No Limit" non pas parmi le flot total des séries télé actuelles mais seulement dans la famille plus restreinte des productions françaises diffusées sur TF1 : ce n’est qu’à cette condition qu’on peut se réjouir de l’existence de "No Limit", relativement aux "Julie Lescaut", "Joséphine, ange gardien", "Camping Paradis" et autres niaiseries pour cerveaux disponibles dont se pourlèchent les dirigeants de la Une.

Malgré ce constat sévère mais malheureusement mérité, on peut quand même essayer de s’accrocher un peu pour voir si certains aspects valent le coup quand même après un départ si calamiteux ! Evoquons d’abord le principe de base de la série : lors d’une opération militaire (celle qu’on a évoquée plus haut), un agent expérimenté et surentraîné est victime de vertiges et fait un malaise. Bilan médical : il est atteint d’une tumeur cérébrale, incurable, qui ne lui laisse que quelques mois à vivre. Pas de chance pour un homme qui avait trouvé la volonté de rattraper le retard vis-à-vis de sa fille, une adolescente dans toute sa splendeur (dans tous les sens du terme) qui aimerait aussi que son père soit enfin présent dans sa vie. Heureusement, on lui propose un deal : un traitement expérimental qui pourra prolonger sa durée de vie (mais pas le soigner) contre sa participation à des missions secrètes sur territoire français (comme par hasard dans la région de Marseille où vivent son ex- femme et sa fille, mais aussi sa sœur qui est commissaire de police). Bingo, et tant pis pour le manque de crédibilité de tout ce package abracadabrant. D’ailleurs, par la suite, sa maladie et son traitement sont assez largement mis à la trappe scénaristiquement parlant, ce qui donne encore plus l’impression qu’il ne s’agit que d’un simple prétexte, artificiel, pour développer ce qui intéresse le plus Besson et sa bande : de l’action saupoudrée d’humour et de bons sentiments. Evidemment, cela implique aussi le style « double vie » qui permet de mettre en place tout un tas de quiproquos et de jeux de cache-cache – sauf qu’on regrette d’autant plus le Besson d’antan, celui qui avait traité ce genre de situation avec bien plus de talent et d’inventivité à l’époque de "Nikita".

Au final, l’ensemble n’est agréable à regarder que dans l’hypothèse où on est un spectateur peu exigeant, c’est-à-dire si on a l’habitude des autres séries françaises de TF1 ou si on a envie de se vider la tête sans réfléchir après une semaine épuisante – il faut bien avouer que c’est comme ça que j’ai découvert cette série par hasard et que j’en ai ressenti un plaisir temporaire avant que mon cerveau ne se remette en marche ! Il faut alors se satisfaire des quelques aspects plus ou moins réjouissants, à mettre au crédit de quelques répliques ou situations rigolotes par-ci par-là (après tout, dans "Taxi" aussi, on pouvait bien rire ou sourire ça et là même en ayant un avis très critique pour l’ensemble de la saga), de quelques trop rares scènes plutôt bien ficelées (soit côté action pure, soit côté quiproquos) ou du jeu relativement sympatoche (le mot veut tout dire) de Vincent Elbaz et Anne Girouard (mais c’est à peu près tout). Pas mal de limites, donc, pour une série qui ne s’en donnait pas…

Raphaël Jullien Envoyer un message au rédacteur