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WORKING WOMAN

Un film de Michal Aviad

Un film glaçant sur le harcèlement en milieu professionnel

Orna est une jeune mère de famille, qui pour subvenir au besoin du foyer, commence à travailler pour Benny, un promoteur immobilier. Elle se doit de travailler car son mari vient d’ouvrir un restaurant qui peine à démarrer. Si les relations entre Orna et Benny sont très bonnes dans un premier temps, l’homme va vite se mettre à avoir un comportement déplacé. Orna se retrouve prise au piège…

Working woman film image

"Working Woman" est un grand film social qui part sa mise en scène lente et réaliste, ses nombreux silences, instille un climat de tension insupportable. Le malaise d’Orna est transmis au spectateur de manière viscérale. Dès l’arrivée dans les bureaux, quand une femme explique à Orna que Benny est un homme très bien pour lequel elle travaille depuis quinze ans, les dés sont jetés. L’homme est loin d’être un parangon de vertu.

La grande intelligence du film est d’une part de ne pas en avoir fait un monstre, un être malin. Benny est un homme intelligent qui estime sincèrement le talent de son assistante. Les avantages qu’il lui offre et les promotions qu’il lui accorde n’ont rien à voir avec le désir qu’il a pour elle. L’autre intelligence est d’avoir montré que la prison d’Orna est intérieure. Benny n’est jamais violent avec elle, le harcèlement n’est pas physique. Il est bien plus insidieux. Il est dans des regards, des silences, des pauses ou des tournures de phrases, des manières de dire non, de forcer la main, en l’appelant jusque tard le soir et en la maintenant au travail.

Le film montre le processus glaçant, pas à pas, de l’enferment. Un processus qui n’est même pas forcément conscient. L’homme commence par lui promettre des choses, qu’elle voit se réaliser, elle se sent importante, on lui fait confiance et son travail lui plaît, en plus de lui permettre de faire vivre sa famille. Elle est fière de son travail et elle se sent donc redevable. Une fois qu’elle est assez mûre, il passe à l’acte, de sorte qu’elle ne dira rien, car elle ne comprendra pas et qu’elle lui accordera le bénéfice du doute. Un petit dérapage rien de plus, tout est oublié, cela ne recommencera pas. Puis revenir doucement, voir si elle n’a pas craqué et une nouvelle fois, resserrer l’étau en la jouant assez finement pour que la confiance trahie ne provoque pas une ruade. Une fois le deuxième incident survenu, laisser du temps avant le troisième. Si elle n’a pas parlé au premier, l’isolement a commencé à se faire, la deuxième agression n’est qu’une confirmation et à la troisième il l’a tient quasiment à sa merci.

Aussi étrange que cela puisse paraître, le couple Liron Ben-Shlush / Menashe Noy est d’une efficacité redoutable. Ils fonctionnent admirablement bien ensemble pour ce qui est de créer le malaise qui est au cœur du film. Lui, incarne à la perfection l’homme parvenu, intelligent, qui maîtrise son désir et travaille pour lui. Un homme qui ne laisse rien paraître et dont le jeu intérieur, laisse par petite touches, apparaître sa dépravation. Liron Ben-Shlush délivre une performance vibrante d’émotion et d’incarnation. Elle parvient à jouer l’incompréhension, le doute, la douleur intérieure d’une femme prise au piège du harcèlement et de son propre silence. Une performance terrible, qu’elle porte sans faillir, avec une justesse constante qui sert l’estomac. Son émotion est contagieuse et l’envie de vomir tenaille autant l’estomac du spectateur que le sien.

La mise en scène de Michal Avaid est d’une efficacité radicale. Se faisant complètement oublier, elle est au service de l’ambiguïté, de la tension et de l’émotion. Sans aucune musique jusqu’à la dernière scène, ce film enchaîne une terrible scène de bureau, avec l’étau du harcèlement qui se resserre dans le noir, et une scène au restaurant qui assoie la domination de Benny et le mutisme d’Orna, tout en créant une réelle tension pour l’avenir avec l’évocation d’un voyage à Paris devant le mari.

Le personnage d’Orna participe avec Janne ("Comme si de rien n’était" d’Eva Trobisch) à dresser un autre portrait des victimes de harcèlement, d’abus sexistes et sexuels, sur le lieu de travail et dans la vie. Des abus dont il est difficile de parler, en témoignent des réactions similaires des maris dans les deux films et dont les agresseurs ne sont pas des monstres. Ces films sont d’une très grande importance dans l’ouverture de l’image que le public a des victimes de violence. En montrant l’histoire des ces femmes, ils invitent à la déculpabilisation des victimes et incitent à la parole. Ce sont donc des films fondamentaux.

Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur

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