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UNE VIE SIMPLE

Un film de Ann Hui

Une délicate histoire de reconnaissance et de respect

Ah Tao est une servante de la famille Leung, depuis plus de 60 ans. Chaque jour, elle s'occupe de tout pour Roger, le dernier des fils de la famille à être resté à Hong-Kong. Producteur dans le cinéma, il a peu de temps disponible et, aux petits soins, telle une mère, elle s'évertue à lui préparer de bons petits plats, qu'elle concocte avec les ingrédients ramenés du marché...

Le film commence tout en douceur, par quelques scènes de quotidien, entre celle qui semble être une mère attentionnée et son fils, un producteur de films dans la trentaine. Mais on s'aperçoit vite que tous ces gestes mesurés, toutes ces recettes de cuisine élaborées à partir d'aliments soigneusement sélectionnés au marché, ne sont pas le fruit de la vraie mère, Ah Tao ayant élevé le jeune homme et la mère naturelle vivant à San Francisco. Ah Tao est en fait l'intendante, la bonne, la cuisinière... la mère de substitution. Le jour où elle a sa première attaque cardiaque, les rôles s'inversent, dans une bienveillance au départ forcée par la situation, mais qu'on découvre ancrée dans une tradition chinoise d'attention aux anciens. Ce sera donc à cette famille, et à cet homme débordé, de s'occuper d'elle en retour.

Empli d'une tendre affection pour ce personnage de vieille femme humble, le scénario de « A simple life », basé sur un personnage réel, touche au cœur. Impossible de ne pas lâcher une larme face à cette leçon d'entraide, qui fait chaud au cœur, dessinant une complicité idéale entre un fils et une femme devenue membre d'une famille qui la rémunère. Une fois déclenché l’enchaînement des problèmes de santé, le film se mue en un récit délicat sur la vieillesse et le respect des personnes âgées. Pour autant, il n'oublie pas de se doter rapidement d'un humour discret mais qui fonctionne à plein, histoire de désamorcer quelque peu la gravité du sujet.

Ainsi, lorsque la servante se retrouve pour la première fois à l'hôpital, l'homme se retrouve contraint de consulter le manuel de la machine à laver ou d'évaluer dans le détail la manière dont les maisons de retraite facturent leurs prestations (découvrant au passage d'étranges pratiques, comme les tarifs de certains « escorts »... qui de plus dépendent de la nationalité de ces derniers...). Mais les détails les plus sordides ne nous sont pas pour autant épargnés, faisant ressortir la grande solitude qui règne globalement dans ce genre d'endroit.

Cependant, c'est à partir du moment où Ah Tao se retrouve dans l'une de ces maisons, que la complicité entre Roger et elle se fait peu à peu : lors des moments où il la sort, lorsqu'elle revient à la maison, ou quand elle l'aide à lui trouver une remplaçante. La scène d'audition des futures gouvernantes est à hurler de rire et montre à quel point les mentalités ont changé. Petit à petit, le personnage se raconte et ses rapports avec toute une famille prennent forme. Une émotion impossible à réprimer naît, due en grande partie à l'interprétation, tout en humilité, de Deanie Yip, repartie du Festival de Venise 2011 avec un prix d'interprétation féminine amplement mérité. Au final, « A simple life » est un film d'une générosité rare, en forme d'au revoir, qui nous emporte peu à peu.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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