UN SI BEAU VOYAGE

Un film de Khaled Ghorbal

Un si long voyage

Mohamed ou "Momo" comme l'appellent ses amis, immigré Tunisien à la retraite, est atteint d'une maladie qui lui ronge le foie. Mis poliment à la porte du foyer de travailleur dans lequel il vivait depuis quinze ans, il décide prendre de un aller simple pour son pays d'origine...

"Un si beau voyage" est un film franco-tunisien qui se scinde en deux parties distinctes. La première se déroule à Paris et esquisse une fresque sociale des dilemmes rencontrés par les immigrés. Bien au-delà des clichés et sans s'apitoyer sur leur sort, Khaled Ghorbal les présente de manière profondément humaine, avec une rare simplicité. A la manière de Kechiche, il parvient à filmer la vie dans toute sa singularité et sans aucun artifice. La seconde nous fait nous échapper du coté miséreux de la capitale, vers les paysages désertiques de Tunisie, où Mohamed choisit de vivre ses derniers instants. Au fur et à mesure qu'il s'éloigne de la France, et par la même occasion, de la "seconde famille" qu'il s'était construit pendant plus de vingt ans, Momo s'isole progressivement, malgré ce retour aux sources.

Khaled Ghorbal nous fait ressentir avec brio cette transgression. Malheureusement, si la première partie nous émeut, nous fait rire et nous fait réfléchir sur le sens d'une vie et de ses sacrifices, la seconde provoque un ennui profond car s'avère beaucoup trop contemplative et silencieuse. On est finalement réduit à voir de long plans séquences de routes interminables traversant de vastes plaines désertiques. Les dernières séquences de déambulation dans le Sahara rappellent d'ailleurs fortement "Gerry", monument d'ennui de Gus Van Sant. La répétition intempestive d'accords de jazz comme un leitmotiv, chronique d'une mort annoncée, enterre définitivement l'attention du spectateur. On regrettera enfin le dernier plan dont le réalisateur aurait pu se passer, dénotant fortement dans un film qui, jusque là, était d'une remarquable pudeur.

On retiendra malgré tout la magnifique et gracieuse performance de Farid Chopel, dont le décès quelques mois après le tournage, donne une étrange résonance à ce film. Grâce à une prestation toute en retenue, Farid Chopel nous offre un personnage humble, discret, mais dont le regard est lourd de sens. Certainement son plus beau rôle.

Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur

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