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TOUT EST PERMIS

Un film de Coline Serreau

Une place à dix euros contre un accident à dix fractures : on y gagne !

Depuis que le permis de conduire a été instauré il y a plus de 20 ans, les stages de récupération de points sont l’occasion pour les auteurs d’infractions de s’exprimer, tantôt avec colère tantôt avec regret, mais aussi de se raconter eux-mêmes. Dans une société où l’individualisme et les manies de chacun mettent souvent en péril la vie et la sécurité de tous, la responsabilité de chacun peut-elle encore exister ? Armée de sa caméra, Coline Serreau aura intégré plusieurs de stages afin de recueillir une multitude de témoignages édifiants…

Après "Solutions locales pour un désordre global", Coline Serreau persiste donc dans le documentaire, et on ne peut que s’en réjouir. Bien au-delà de la simple volonté d’aborder des thèmes toujours en lien avec l’actualité (la maternité, l’écologie, le combat des femmes, le chômage…), son cinéma n’avait jusque-là pas tellement réussi à trouver un ancrage harmonieux à travers la fiction, se focalisant un peu trop sur le contenu au point de négliger totalement le contenant (caméra à l’épaule foutraque, image DV d’une rare laideur, etc…). Un manque de stylisation qui ne jouait hélas jamais le jeu du cinéma plein écran, mais qui, au sein du documentaire, trouve un impact indéniable. Comme pour son précédent film, il n’est pas tant question ici de se limiter à établir un constat objectif sur un problème donné, mais de casser les préjugés sur ce problème et de mettre en avant les solutions possibles pour le vaincre. La sécurité routière restant encore aujourd’hui un sujet national et pourtant polémique, c’est donc en investissant un lieu précis (les stages de récupération de points de permis) que Serreau peut en extraire un vaste vivier d’opinions et d’échanges.

Dès le début, c’est à une suite d’interviews (celles des spécialistes du sujet) et d’échanges entre les auteurs des infractions que l’on va assister, et cette tension permanente fera tout le dynamisme du film. Les témoignages recueillis aux quatre coins de l’Hexagone par la réalisatrice sont à la fois édifiants (la stupéfaction nous gagne autant que le rire devant certaines réactions des auteurs d’infractions) et surtout réellement perturbants. En effet, de par la proximité du filmage au sein de ces stages, chaque réaction d’un intervenant touche à quelque chose d’authentique, qui fait immédiatement écho à notre propre condition d’animal social, avec le phénomène de « conduite » décrypté sous tous ses angles. Tout est ici abordé avec soin, du manque de responsabilité individuelle jusqu’aux impacts réels des accidents en passant par l’utilité réelle des systèmes répressifs (dont les radars) et les outils de sensibilisation effectués. Pour autant, ce qui se dégage des entretiens n’est pas tant une suite de leçons de savoir-vivre qu’un constat objectif, sans valeur de jugement ni pénalisation, un peu à la manière d’un pur acte de civisme. Coline Serreau capte une vérité et se contente de la documenter le plus possible, révélant au final un fossé parfois affolant entre la réalité des faits et l’inconscience des particuliers.

Sur ces 96 minutes qui passent à une vitesse folle, certains sujets élargissent même le débat sur la responsabilité de chacun (assurément le thème central du film) en s’aventurant sur deux domaines précis : la dichotomie hommes/femmes dans le comportement au volant (les préjugés en prennent un coup dans l’aile !), et la place inquiétante des lobbys dans le ralentissement des campagnes de prévention. À ce titre, les révélations d’un ancien lobbyiste des alcooliers valent leur pesant de cacahuètes. Et au travers d’un ultime dialogue qui offre une petite solution locale à ce vaste désordre global, sortir d’un film aussi lucide et ludique permet donc de se remettre les idées en place sans avoir l’impression d’avoir été critiqué par un donneur de leçons. Preuve en est que l’auteur de ces lignes avouera ici sans honte avoir fait davantage attention aux limites de vitesse et élever sa concentration sur la route juste après la projection du film… Visiblement, ça marche !

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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