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TOUT CE QU’IL ME RESTE DE LA RÉVOLUTION

Un film de Judith Davis

Les illusions perdues

Angèle vient d’une famille de militants qui s’est scindée en plusieurs morceaux : si son père est resté fidèle à ses idéaux maoïstes, sa mère a abandonné du jour au lendemain son combat politique et sa sœur est devenue cadre en entreprise. Toujours aussi en colère contre la façon dont sa génération est soumise aux problèmes du monde moderne, elle se bat jour après jour pour changer le monde. Mais sa révolution n’est pas simple, surtout quand elle trouve l’amour auprès d’un jeune professeur…

Tout ce qu'il me reste de la révolution film image

Ce n’est pas forcément qu’on ait fini par en avoir un peu marre des personnages de râleurs et de râleuses qui gueulent contre tout et son contraire pour se chercher une raison d’exister, mais dans un monde de plus en plus chaotique, où la colère non mesurée devient l’inverse d’une attitude constructive (on ne vous fera pas un dessin sur l’actualité…), on ne peut pas dire qu’il soit réellement appréciable d’utiliser un tel personnage comme étendard d’un propos. À première vue, l’intention première de Judith Davis avait tout pour faire rêver : par le biais d’une jeune fille désireuse de se battre contre la fatalité de sa génération, son premier film en tant que réalisatrice pouvait ainsi développer un point de vue ludique et décalé sur la façon dont cette même génération se coltine à la fois l’héritage d’un combat utopique et les contradictions de ce même combat – ne jamais oublier que tout concept idéologique peut devenir sujet à caution. Ce qui pose hélas un gros problème, c’est justement l’héroïne qui sert de terreau à cela. Sèche, cassante, égoïste, condescendante au possible dès qu’on se permet de développer un argument inverse au sien, et surtout proche de la bipolarité à force de jouer du zigzag en matière d’émotions intimes, cette Angèle jouée par la réalisatrice elle-même suffit à desservir l’intention du film. Et on doute que c’était l’objectif.

Pourtant, le film se révèle très drôle – et même très subtil – lorsqu’il se concentre sur la seule construction du collectif, sur sa force de parole et sur le bazar souvent hilarant qui peut s’y installer. On en prend le pouls lorsque Davis, par un usage malin et sensé de la caméra panoramique, filme les réunions d’un collectif très attachant, constitué de personnages typés mais sincèrement habités, où le débat est sans cesse privilégié et où les idées fusent, y compris les plus farfelues – le film est adapté d’un spectacle du collectif L’Avantage du doute. Dans ces moments-là, la réalisatrice vise juste. En revanche, elle s’égare dès qu’elle hésite à choisir entre rester Don Quichotte et devenir Bridget Jones : la voir soudain craquer pour un benêt (Malik Zidi) puis rejoindre sa mère (la trop rare Mireille Perrier) dans le Sud de la France après une douloureuse révélation familiale fait soudain sortir le film du rail de sa réflexion pour s’en aller picorer vers un terrain plus consensuel, plus convenu. Même un dîner familial qui vire au désastre sous l’impulsion d’un capitaliste bourré et impulsif l’amène dangereusement sur la voie de la caricature. Ou comment un film sincèrement engagé – en dépit de ses maladresses – finit par rentrer dans le rang. C’est hélas un signe qui ne trompe pas.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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