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TABOU

Un film de Miguel Gomes

Un film portugais qui sort des sentiers battus

Dans un paysage entre jungle et savane, un explorateur portugais déprime. Il est accompagné par le fantôme de sa femme, qui lui apparaît régulièrement. Désespéré, il finit par s'offrir à un crocodile...

Ce film portugais, présenté en compétition au Festival de Berlin 2012, est signé Miguel Gomes, auteur du remarqué « Ce cher mois d'août ». Inspiré du film de Murnau portant le même titre et datant de 1937, « Tabu » se divise en deux parties. Après un prologue sous forme de conte décrivant un Portugais "mélancolique" ayant perdu sa femme et se jetant dans la gueule d'un crocodile, le récit nous transporte dans le Lisbonne d'aujourd'hui, à la découverte d'une femme morte d'inquiétude pour sa voisine, plus âgée, qui semble progressivement perdre la raison. Intitulé « Paradis perdu », ce premier chapitre cédera la place, après le décès de la vieille dame, à un récit d'aventure romantico-colonialiste, intitulé « Paradis », situé dans un pays d'Afrique non défini et mettant en scène la jeunesse de la femme en question.

Sur un ton désabusé « Tabu » décrit de manière acerbe l'égoïsme de la jeunesse et sa spontanéité. Ainsi, de manière involontairement cruelle, une jeune fille polonaise prétend ne pas être celle qu'attend la femme à l'aéroport, histoire de pouvoir s'offrir un trip avec ses copines... Mais il décrit aussi la persistance d'un souffle, ce malgré l'âge, qui fait que certains sont toujours mus par un désir : celui d'expérimenter, toujours. Ainsi s'exprime la vieille dame, qui revenant du casino, où elle a tout perdu, explique à sa voisine : « Si je n'étais pas allée là-bas je n'aurai pas su... je me demanderai toujours ». L'importance de vivre ses rêves, quels qu'ils soient, et d'en poursuivre de nouveaux est ainsi au cœur du récit, invitant à une deuxième partie plus légère, récit d'un passé heureux à la « Out of Africa ».

Mais la vraie réussite de « Tabu » vient de son mélange de styles, aussi osé que parfaitement maîtrisé dans ses décalages. Culotté, le réalisateur manie muet et variations sonores surprenantes, tout en faisant preuve d’une tendresse non dissimulée pour ses personnages. Dans l'introduction comme dans la seconde partie, la voix-off est omniprésente et vient nous conter, avec douceur et humour décalé, les incroyables destins de ces personnages, tout droit sortis d'« Out of Africa » ou des films de la RKO, cités en références.

« Tabu » (du nom du mont au pied duquel était établie une ferme, en Afrique) est donc une œuvre formellement à part, hommage à un cinéma disparu mais enchanteur, vision nostalgique des derniers jours des colonies portugaises et d'une Afrique pleine de charme. Il s'en dégage une douce magie, mêlant contes improbables, histoire d'amour d'un autre temps, romantisme légèrement outrancier et grandeurs d'âmes. Le film a reçu le Prix Alfred Bauer pour la meilleure innovation au Festival de Berlin 2012 et devrait se frayer un chemin dans le cœur de chacun de ses spectateurs, à l'image de la lettre d'adieu qui clôt le récit, point final d'une histoire et début du soulèvement d'un pays.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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