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TA MORT EN SHORT(S)

Un recueil inégal mais porté par quelques bijoux

6 histoires à la fois positives et tristes autour de la mort : une famille réunie sur une plage pour disperser les cendres du grand-père, des souvenirs colorés d’un papi jardinier, une petite marchande d’allumettes sans le sou, une étrange créature portant la poisse à ceux qu’elle croise, le portrait d’une mamie distante et seule, et une vue d’ensemble des jours des morts au Mexique...

Ce recueil de six courts-métrages issus soit des Studios Folimage de Valence, soit de l’imagination d’anciens élèves de l’école de la Poudrière trouve souvent la justesse de ton et la délicatesse pour aborder une délicate question, celle de la disparition d’un proche. Expliquer la mort aux plus petits, sans leur faire, voire même avec un certain humour ou décalage, est donc la mission de ces petits films, aux formes graphiques différentes, mais qui trouvent pour la plupart une manière efficace d’évoquer le mélange de douleur (l’absence) et de douceur (les souvenirs) que charrie le deuil.

Le recueil s’ouvre avec les très beau "Pépé le Morse", suivant une grand-mère agitée, une mère et ses quatre enfants (deux grandes filles, et deux petits garçons blonds), sur une plage ventée où ils retrouvent les traces de leur pépé, un « morse » (c’est à dire un vieux monsieur qui passait ses journées à se faire bronzer). Prix du public au Festival d’Annecy 2017 et César du meilleur court métrage d’animation, le film touche à la fois par une simplicité du trait, qui allie plans zénithaux marquants et moments de frénésie enfantine, amenant quelques touches d’humour au sein d’un récit où contraste l’élan de vie des plus jeunes et la tristesse des plus âgés. Un contraste que l’on retrouve aussi au niveau de l’ambiance terne des lieux, plages et dunes tristes, balayées par le vent, face aux à plats de couleurs légèrement plus vifs qui représentent les personnages.

S’en suit "Mon papi s’est caché", à l’animation à base de peinture, toute en épaisseur, évoquant les souvenir d’un gamin suivant son grand-père dans un jardin foisonnant dont il aimait à s’occuper. Un récit construit comme une partie de cache cache, et faisant la part belle aux couleurs de la nature. Troisième segment, l’adaptation de "La petite fille aux allumettes" déçoit quelque peu niveau émotion, peut-être en raison du peu de temps accordé à ce conte. L’ambiance noir et blanc, avec la fillette en papier articulé, perdue au milieu de silhouettes noires anonymes, est cependant plutôt réussie.

"Chronique de la poisse" vient ensuite affirmer une fin de recueil plus branchée sur l’humour, avec un homme à la tête de poisson dont les bulles s’accrochent aux gens qu’ils croisent, leur portant malchance, au point de leur coûter la vie. Si le dessin, aux gros traits de contour, s’avère assez simpliste, c’est avant tout l’amusant enchaînement des malheurs qui réjouira petits comme grands. Avant dernier court, "Mamie", revêt, malgré la voix-off enfantine, une tonalité plus amère, puisqu’il révèle, au travers du portrait d’une femme solitaire, comment et pourquoi elle a en réalité fait le vide autour d’elle. Ce film au trait simple et couleurs mouvantes devrait surtout séduire les adultes, par la tristesse qu’il dégage et le regard lucide sur le renoncement.

Enfin, le programme se clora avec "Los dias de los muertos", plus joyeux des six courts métrages, aux personnages aux couleurs chaudes, d’apparence colorés au feutre, et exempts de trait de contour. Mêlant chanson et guitare, cette évocation du deuil à la mexicaine ne manque pas d’humour, notamment quant à la manière dont certains pourraient mourir (glisser sur un burrito et se faire embrocher par son fils… c’est pas de chance !). Se terminant donc sur une note réjouissante, "Ta mort en short(s)" est un peu à l’image de son titre au double jeu de mot, un recueil au double effet : celui de la distance teintée d’un humour propre aux vivants, doublé d’une tristesse nécessaire à tout processus de deuil.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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