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SUNSET

Un film de László Nemes

Une immersion angoissante mais vaine

En 1913, Irisz Leiter, orpheline, revient à Budapest et se présente pour un emploi dans l’ancien magasin de chapeaux que possédaient autrefois ses parents. Même si on lui refuse le poste, il lui est proposé d’être hébergée pour une nuit dans son ancienne maison. C’est là qu’une homme veut l’emmener voir le fils Leiter. Elle aurait donc un frère dont elle ignorait l’existence. Commence alors une longue quête, à la recherche de celui-ci…

Sunset film image

Reparti bredouille du Festival de Venise 2019, ce second long métrage du prodige hongrois, László Nemes, Grand Prix en 2016 à Cannes pour l’étouffant "Le fils de Saul", dont l’action se situait dans un camp de concentration, montre vite ses limites. Bien entendu la mise en scène immersive l’auteur, fait toujours son effet. Collant à son héroïne durant plus de 2h20, l'accompagnant dans de longs plans-séquence, passant ponctuellement en vision subjective, le metteur en scène confirme ici la maestria de sa réalisation. Magnifiant au passage les immenses chapeaux que portent les dames aisées en ce début des années 1910, symboles d’une certaine position dans la société, il construit tout son film sur le contraste entre cette haute société, ayant droit à la lumière, et l’ombre dans laquelle vit le petit peuple et qui gagne peu à peu le monde, à la veille de la guerre.

Décadence de la société, inégalités de richesse, rébellion qui couve, exploitation des femmes, László Nemes nous entraîne dans une sorte de trip paranoïaque, en grande partie nocturne, son personnage étant entraîné dans des situations de plus en plus dangereuses. De calèches en barques, cette fuite en avant convoque enlèvements et accès de violence, faisant perdre à son personnage tout contrôle. Parabole sur l’état d’un pays au seuil de la guerre, "Sunset" éblouit par sa mise en scène immersive et l’atmosphère chaotique générée, mais n’arrive pas à faire oublier la maigreur de son scénario.

Si l'actrice principale, Juli Jakab, dispose ici d'un rôle intense, le scénario en vient en effet rapidement à tourner en rond, multipliant les tics au niveau des dialogues (sous forme d'avertissement...) et évitant finalement de donner la moindre clé. Certes le film peut être interprété comme un long cauchemar ou une incursion dans la tête d’une héroïne tiraillée entre son passé familial, son envie d’un contact familier et sa peur de l’inconnu. Mais il est au final bien paresseux de rester dans le mystère, autour de ce frère meurtrier qu’on pourchasse tel un fantôme, de ces parents morts dans un incendie, de ces gangs qui se tapissent dans l’obscurité des rues, de ces derniers plans dans les tranchées... Un excès de mystère qui finit par tuer le mystère.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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