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SUD EAU NORD DÉPLACER

Du droit à la parole face à un projet titanesque

En Chine, un gigantesque chantier, le Nan Shui Bei Diao, consiste à dévier une partie des eaux au travers du lit de quatre fleuves, pour les amener plus au nord, dans des régions notamment désertiques. Pour autant, les populations locales semblent bien peu associées au projet...

Pas facile de tourner en Chine un documentaire sur l'un des projets titanesques touchant non seulement à l'environnement, mais entraînant aussi le déplacement de populations, comme ce fut le cas il n'y a pas si longtemps avec le fameux barrage des trois gorges. Si ce dernier a fini par faire l'objet de films, dont la percutante fiction de Jia Zhang-Ke "Still life", lion d'or a Venise en 2006, ce nouveau projet, dont les travaux ont soudain débutés après presque un siècle de tergiversations, fait déjà l'objet d'un documentaire français.

Du coup ne vous attendez pas à retrouver dans "Sud Eau Nord Déplacer" une présentation détaillée du projet qui porte le même nom. Tout juste aurez vous droit au speech langue de bois d'un ingénieur participant au projet, vantant le mérite des objectifs et pas les dégâts issus des moyens. Car c'est au gigantisme de l'opération et au peu de communication dont il fait l'objet qu'Antoine Boutet consacre son documentaire. Sa caméra s'attarde longuement sur une machine enfonçant par à coups un pieu de béton, elle observe les carrières immenses à ciel ouvert, les mines dont des hommes tirent de grosses pierres, les plantations absurdes faites dans le sable du désert...

Mais au delà de l'absurdité technique, il saisit, en laissant tourner la caméra, la peur ridicule des journalistes de la part des prestataires, qui ignorent même ce qu'ils cachent ou ce qu'ils ont droit de montrer. Puis commencent à apparaître les gens, pour mieux mettre en image la colère, la conscience de la corruption et la rigidité d'un système qui méprise son peuple. Un documentaire certes imparfait, car il permet difficilement de saisir l'ampleur du projet, mais qui repositionne avec justesse l'humain, dans sa capacité à faire entendre sa voix, malgré un pouvoir qui tente de verrouiller internet et autres moyens d'expression.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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