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LE SENS DE L'ÂGE

Un film de Ludovic Virot

Ce que j’étais et ce que je suis

Le vieillissement n’est-il que synonyme de perte de mobilité et de flétrissement ? Entre France et Québec, rencontre avec près d’une dizaine d’octogénaires qui nous confient leur expérience de vie et leur vision du changement. Oui, il y a une vie après 80 ans !

Nos aînés ont enfin leur film. Ce documentaire est tout le contraire du documenteur. Voici la vérité dite par les seniors rencontrés par le réalisateur français Ludovic Virot sur leur âge, leur vie, leurs émotions, leurs façons de vivre ce grand âge. « Ce qu’ils étaient et ce qu’ils sont » : cela pourrait être la forme employée par le réalisateur pour les faire parler d’eux. En revenant sur leur passé et leur faisant raconter leur présent.

D’ailleurs, le cinéaste commence ces interviews en montrant une photo en noir et blanc de ses « stars » qui se confient à sa caméra comme l’avaient fait auparavant les enfants du documentaire « Être et avoir » de l’école de Saint-Étienne-sur-Usson en Auvergne (réalisé par Nicolas Philibert en 2002). Voici aujourd’hui le pendant « aînés » de ce documentaire qui avait eu tant de succès à sa sortie.

Mais comment n’a-t-on pas eu l’idée plus tôt de faire témoigner les personnes âgées sur leur vie, leur ressenti de la vieillesse, de leurs désirs, de leur sensation vis-à-vis de la mort ? Il aura donc fallu attendre 10 ans pour avoir ce magnifique documentaire « Le sens de l’âge » réalisé avec tendresse, justesse de ton et respect par Ludovic Virot, un jeune réalisateur dont c’est le premier long-métrage.

Pourtant, le film n’a pas connu le même destin que son petit frère « Être et avoir » rapidement devenu un phénomène de société : montée des marches à Cannes, succès au box-office, polémique sur le droit d’auteur où l’instituteur a finalement été débouté de son action en justice… Le destin de « Le sens de l’âge » est finalement à l’image de ce qu’il raconte : les personnes âgées sont les oubliées de notre société, et plus largement du cinéma… Alors qu’il faut bien le reconnaître, les enfants sont souvent les stars de grands et petits films : 2011 a vu deux « Guerre des boutons », des analyses sur la jeunesse avec « Les Géants », « Tomboy », des destins d’enfants comme « Hugo Cabret », etc. Et nos vieux ? Où sont-ils ?

« Le sens de l’âge » rend donc un hommage nécessaire et respectueux à nos aînés. Dans son film doux et vivant, Ludovic Virot donne la parole à près d’une dizaine d’octogénaires. La dynamique Frida, l’intelligente Jacqueline, l’équilibré Jean… Ils reviennent sur cette rupture qui fait qu’ils sont passés de la jeunesse à la vieillesse, qu’ils sont devenus plus enfants, plus légers dans leur vie, plus indépendants aussi.

« Le sens de l’âge » s’éclaire sous nos yeux. Vieillir n’est pas seulement finir en maison de retraite, bénéficier de soins palliatifs… Le réalisateur en off rappelle que 80 % des octogénaires vivent encore chez eux et que seulement 20 % sont placés en maison de retraite ou médicalisée. Oui, en fin de vie il y a une vie pleine de vie, nous dit Ludovic Virot.

La réalisation est sublime. Les cadrages merveilleux. Ainsi, l’au revoir aux aînés se solde fréquemment par leur « disparition » tantôt dans un champ, tantôt en une ombre dans l’eau, tantôt en haut d’un escalator… « Le sens » de l’âge c’est aussi « les sens » de l’âge : visuels, gustatifs, odorants, au touché… avant nous-mêmes d’être touchés par leur sincérité, leurs vérités, entrecoupés de petits poèmes japonais, les haïkus qui renvoient à cette douceur de vie et à leur dignité. En un mot : bravo !

Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur

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