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QUIEN TE CANTARA

Un film de Carlos Vermut

Un thriller d'une noirceur implacable

Après un accident, Lila Cassen, qui a perdu la mémoire, peine même à se rappeler son propre nom. Chanteuse a succès qui n’a pas donné de concert depuis dix ans, elle ne se souvient plus de ses chansons, alors que dix concerts sont justement prévus pour son grand retour. Son amie Blanca repère alors une chanteuse de karaoké, Violeta, qui connaît tout son répertoire. Faisant semblant de la croiser par hasard, elle lui propose d’aider Leila à réapprendre ses chansons…

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Carlos Vermut a le don pour enchaîner les projets à part. Après "La niña de fuego", il nous propose cette fois-ci un thriller à la fois centré sur les relations mère fille, mais aussi sur les choix qui mènent au succès. Stylisé à l'extrême, le film implante son intrigue dans la province andalouse de Cadiz, pour partie dans le village de Rota. L'océan est omniprésent, la figure de la noyade aussi. Elle ouvre le film, avec une femme qui en ranime une autre, au ralenti. Elle reviendra aussi sur le tard. Ouverture de l'espace, l’océan est aussi synonyme de libération ou de fuite.

Jouant sur l'opposition apparente des deux femmes, l'une riche désemparée, l'autre aux prises avec sa glandeuse de fille qui lui soutire de l'argent, le scénario s'amuse à brouiller les lignes. L'une pourrait bien passer pour l'autre. La mise en scène multiplie d’ailleurs l'usage des reflets, comme des lignes verticales, installant un certain trouble. Quant aux deux actrices, elles sont tout juste formidables, explosives dans les moments de tension, troublantes dans les moments de complicité (quand elles dansent toutes les deux sur la chanson titre, ou qu’elles descendent sur la plage en robes de soirée...). Peu à peu, au contact l'une de l'autre, les façades se fissurent, laissant transparaître secrets et désirs, jusqu'au double dénouement, terrible.

Carlos Vermut réussit ici une fable sublime, mêlant culpabilité et renoncement, dans laquelle on se demande un temps qui manipule qui, de la chanteuse, de l'amie fidèle, ou de la potentielle remplaçante. À ce jeu, il excelle dans la recomposition d'une réalité qui nous échappe, usant de symboles simples pour mieux dévoiler quelques indices : l'océan, l'origami... Et cela donne sans doute l'une des œuvres les plus fascinantes de cette année 2018.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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