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PRINCE OF TEXAS

Un film de David Gordon Green

Tout en poésie et subtilité

Suite aux gigantesques incendies de plus de 43 000 hectares de forêt en 1987 au Texas, deux ouvriers se retrouvent un an plus tard à baliser les routes en vue de la reprise de la forêt et de travaux de reforestation. L’un est le boss, l’autre est son apprenti. Mais le second est aussi en quelque sorte le « beau frère » du premier, et il est beaucoup plus jeune...

Remake du film islandais de Hafsteinn Gunnar Sigurðsson intitulé "Either Way", "Prince of Texas" est une sorte de face à face entre deux générations, ou plutôt deux conceptions de la vie totalement différentes. Au cœur d’une forêt dévastée par un incendie, l'un joue les boss (Paul Rudd) et l'autre (Emile Hirsch), frère de sa petite amie, n’est pas vraiment captivé par ces lieux isolés. David Gordon Green ("L’Autre rive", "Votre Majesté") conserve le principe de l’original, tout en transposant l’action au fin fond du Texas, suite à un gigantesque incendie, à la fin des années 80. Il a obtenu le prix de la mise en scène au Festival de Berlin 2013, pour cette balade désenchantée, éveil de deux garçons loin d’être adultes, située dans des décors graphiquement parfaits pour un film traitant de la solitude.

Car se font face ici deux conceptions de la vie, mais aussi deux caractères, qui pourraient bien constituer deux facettes d’un même homme à des âges différents. Le plus jeune représente l’instable adolescent, coureur de jupons, qui n’envisage pas de se caser. L’autre représente l’homme en apparence adulte, qui malgré lui fuit l’engagement. Si le plus âgé regarde son jeune beau frère avec amusement évoquer ses préoccupations superficielles (l’objectif du week-end de liberté : sortir et se trouver « un coup »), le plus jeune méprise ses nombreux principes, qui semblent régir une vie qui lui paraît des plus ennuyeuses. Leur relation à la femme est clairement opposée, l’un ne pensant qu’au sexe, et l’autre se voyant comme le parfait chevalier.

Nous entraînant avec eux sur des routes dévastées, ce road movie fonctionne à la manière d’une cocotte minute, mettant ses deux protagonistes sous pression, et lâchant par moment un peu de vapeur, jusqu’à l’explosion. Le duo Paul Rudd ("40 ans, toujours puceau", la série "Friends", rarement vu dans un rôle principal, hormis dans "L’Objet de mon affection"), ridiculement rigide, et Emile Hirsch, aux antipodes de son rôle d’activiste débrouillard dans "Into the Wild" (ici il ne sait rien faire par lui-même...), fonctionne à merveille, servant un scénario à la fois poétique et finement dialogué.

Au fil du récit, ce pseudo sage, sincère et sérieux, et cet urbain résolu vont devoir composer l’un avec l’autre, mais aussi avec la réalité d’une vie qui vous réserve parfois des sales coups. Tentés par un retour à l’adolescence (voir le passage où ils agissent comme deux gamins irresponsables, retrouvant les codes de leurs jeux d’enfants, avec peintures de guerre sur les joues...), ou par une éternelle fuite face à l’engagement (le plus âgé apprend l’allemand avec casque et cassettes, s’isolant du monde extérieur, et désirant changer d’horizon...), tous deux devront grandir et se confronter au monde et faire des choix.

À la manière d’un récit initiatique, le scénario, au travers de quelques rencontres émouvantes, telles un mystérieux routier allumé qui ne pense qu’à la bibine ou une vieille dame avec un chapeau rouge, perdue au milieu des cendres de sa maison et recherchant des traces de son passé, questionne la capacité à rebondir et le réel désir de s’impliquer dans une vie structurée. Se définissant comme un « prince loin de son château », encore faudrait-il que le personnage de Paul Rudd veuille vraiment y retourner. Quant à l’homme en générale, si comme il est dit au début, « l’amour est comme un fantôme, tout le monde en parle et peu l’ont vu », est-il capable de rester sur le chemin de cette quête sans s’égarer et de faire que sa vie ne devienne pas un simple champ dévasté, parcouru par des routes où le balisage lui-même vous envoie dans le décor ?

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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