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PIEDS NUS SUR LES LIMACES

Un film de Fabienne Berthaud

Les moyens du sacrifice

Alors qu'elle est volant, une mère décède d'un seul coup, précipitant sa voiture dans un champs. Elle laisse derrière elle une fille, Lily, un peu déficiente, dont elle s'occupait à la maison. Sa sœur, Clara, et son mari débarquent alors dans la maison, pour s'occuper des affaires courantes et notamment décider du devenir de celle que seule la mère ne voyait pas comme un fardeau...

Le second film de Fabienne Berthaud (« Frankie ») débute comme "L'arbre" de Julie Bertuccelli, par la mort subite d'un parent au volant. Ici c'est la mère qui décède dès les premières minutes du film, laissant derrière elle une fille attardée, et sa sœur, qui va tâcher de s'occuper d'elle. "Pieds nus sur les limaces", qui a fait la clôture de la Quinzaine des réalisateurs de Cannes 2010, apparaît au fil du récit comme un film d'une profonde démagogie.

Le scénario (adapté du roman de Fabienne Berthaud elle-même) s'attache dans un premier temps aux moments de solitude de la plus jeune, confrontée d'un seul coup à une liberté innatendue. S'emparant de la ferme où elle réside, elle y accumule les animaux morts, drague le voisin « pour lui apprendre » et laisse les gamins du coin profiter de ses larges faveurs. Décrivant certes la différence, la réalisatrice pointe surtout ici l'incapacité du personnage à subvenir à ses propres besoins ou à ne pas céder à ses pulsions les plus naturelles. Mal et bien semblent avoir bien peu de sens, même si les conséquences de ses actes n'ont cependant qu'une portée minimale.

Puis la grande sœur, obligée de revenir s'installer quelques temps à la ferme, va tenter de contrôler sa sœur et d'amoindrir la différence. Et le récit vire à « seules contre tous », les deux filles refusant l'évidence et se barricadant progressivement dans un isolement qui semble être la seule réponse. Car le scénario prend le parti du sacrifice, que certains qualifieront d'amour sans limite, d'une sœur interprétée par Diane Kruger, divisée entre son mari et celle qui est restée vivre avec sa mère, Ludivine Sagnier. Les deux actrices sont certes formidables, l'été est certes magnifiquement rendu, mais la conclusion laisse pantois.

Certes, on conviendra qu'il n'est certainement pas facile de s'occuper de jeunes adultes déficients, mais ici la charge contre ceux qui choisissent de faire passer leur propre vie face aux débordements parfois incontrôlables d'êtres incapables de s'insérer dans la société, est au final tellement appuyée et facile, que l'on en sort plus dégouté pour les personnages qui s'avèrent rejetés ici (comme le mari, fort justement interprété par Denis Menochet) que compatissant envers les deux sœurs. Car, dans le fond, tout le monde n'a certainement pas les moyens de se sacrifier de la sorte, et le fait d'évacuer le monde extérieur et les questions matérielles (ici Kruger a une maison à disposition, un métier qu'elle peut sans doute laisser tomber du jour au lendemain...) fait qu'on est bien peu convaincu par l'honnêteté de la démarche intellectuelle, pourtant certainement guidée par la générosité.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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