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PHILOMENA

Un film de Stephen Frears

Judy Dench magistrale dans l'un des films crève-cœur de 2014

Alors qu'il vient d'être licencié de son poste de conseiller politique, Martin Sixsmith accepte, non sans réticences, de revenir à son métier de journaliste, et d'écrire l'histoire d'une vieille dame, Philomena Lee, forcée autrefois d'abandonner son enfant, qui aurait aujourd'hui 50 ans. Il commence alors son enquête...

En choisissant comme sujet une douloureuse histoire d'adoption forcée, Stephen Frears ("Tamara Drewe", "The Snapper") semblait s'engager dans un chemin déjà tracé par "The Magdalene Sisters", film de Peter Mullan récompensé d'un Lion d'or à Venise en 2002. Le background est bien le même, mais le réalisateur et ses scénaristes (Steve Coogan lui-même, et Jeff Pope) préfèrent, au travers de l'adaptation de cette « histoire vraie », s'intéresser au présent de cette femme, contrainte dans sa jeunesse par les religieuses du couvent où elle fut placée, de laisser d'autres adopter son enfant de 3 ans, et ayant pensé à lui tous les jours de sa vie. Ainsi, plutôt que de s'intéresser aux détails sordides du quotidien au couvent, ou aux humiliations subies, qui apparaissent ici en flash-backs contés en voix-off, c'est à l'espoir de retrouver ce fils perdu, et au besoin de raconter cette histoire, que s'attache l'auteur.

Loin d'être un film austère, "Philomena" permet à Stephen Frears de renouer avec un humour british réjouissant, porté par un duo de personnages en parfait contrepoids. Face à la vieille dame digne et limite ingénue, qui ne remet jamais en cause sa propre foi, et continue à regarder les nonnes avec bienveillance, se dresse un homme désabusé, aussi brillant que cynique. Le duo ainsi formé par Judy Dench, toute en souffrance intérieure et d'apparence très premier degré (elle parle de sa hanche en titane, apparaît très bigote, se compare au Pape...) et le comique Steve Coogan (vu récemment dans "A Very Englishman") en journaliste hautain, anticlérical et peu habitué aux récits d'histoires personnelles et intimes, offre de savoureux contrastes (lorsqu'elle parle du sexe et de son ignorance de l'existence du clitoris, évoque la vie privée de son fils, ou s'inquiète du coût des boissons dans l'avion… épinglant au passage une célèbre compagnie irlandaise plus que low cost...).

Nous ballottant entre Irlande et USA, le scénario s'attache à montrer les obstacles qui subsistent autour de tels drames humains, et la difficulté à faire parler les gens impliqués. Chaque personnage, central au récit ou rencontré au fil de l'enquête, dispose de ces petits détails qui font la saveur des grands scénarios (le jury de Venise ne s'y est d'ailleurs pas trompé en décernant à "Philomena" le prix du scénario) et donnent toute la texture à un drame. Parmi les favorites pour le prochain Oscar de la meilleure actrice (elle aura cependant une rivale de choix en la personne de Cate Blanchett), Judy Dench nous met les larmes aux yeux, exprimant sa propre vision de l'injustice passée, avec une certaine tendresse et plus de réalisme qu'on ne l'aurait supposé. Touchante jusqu'au bout, elle restera longtemps dans la mémoire des cinéphiles, non pas comme la M de James Bond, mais comme cette vielle femme déchirante, souhaitant savoir si son enfant a jamais pensé à elle.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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