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PAS DE REPOS POUR LES BRAVES

Un film de Alain Guiraudie

Fumette quand tu nous tiens…

A une table d'un café, un jeune homme raconte à un inconnu son rêve le plus récent, lui expliquant que selon ses visions il s'agissait des signes communs à tous les hommes, lors de leur avant dernière nuit. Il ne doit plus dormir sous peine de mourir. Deux jours plus tard, 20 habitants de son village isolé, meurent assassinés de plusieurs coups de fusil…

Le film d'Alain Guiraudie est ce qu'on peut appeler un objet filmique non identifié. Non seulement doté d'un univers visuel particulier, il l'est aussi d'un récit atypique, au déroulement non linéaires et absurde. Certaines scènes filmées de jour, prennent une apparence de paysage inquiétant avec le retravail graphique d'un ciel assombri, entre orage et clair d'une lune pourtant absente. Certains décors, comme la façade du bistrot pour aviateurs sont parfaitement assumés comme irréels, laissant apparaître, comptoir, tables et clients au beau milieu d'un champ. En résulte une sensation de dépaysement et de folie ancrée dans des lieux pourtant familiers (le bistrot de quartier, les villages en ruine, les usines désaffectées…), et fortement marqués 'sud de la France'.

Le récit, qui apparaît linéaire dans une première partie, qui nous introduit les trois principaux personnages, se disloque peu à peu, pour s'attacher au destin du plus perturbé d'entre eux. D'inconnus, ils passent à connaissances et complices, voire amants supposés selon les situations. De poursuivi l'un devient poursuivant. De personnages de feuilleton télé, des truands deviennent part de l'intrigue, qui se rejoue dans la réalité. La construction est subtile et captivante, même si l'on y comprend pas grand chose. Et les bonnes idées pullulent, à l'image des panneaux de signalisation aux doux noms de " Oncongue " (Hong Kong), " Buène aux Zeres " et autres villes bien connues du sud ouest entre lesquelles naviguent nos fugitifs ou poursuivants au choix (les orthographes ne sont certainement pas exactement les mêmes que dans le film).

Epinglant les petites manies de ses contemporains (tricherie, égoïsme, , défendant la ruralité et le contact humain, Guiraudie mêle réalité, rêve et folie, sans jamais complètement perdre le spectateur. Toujours sur le fil du rasoir, il vogue entre chronique rurale, étude de mœurs, course poursuite, et film de gangsters. Et on en redemande, troublé par cette utilisation d'apparence désordonnée de codes bien intégrés dans l'inconscient collectif. Un film d'une originalité sans égal.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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