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LA PARADE

Un film de Srdjan Dragojevic

Une comédie sarcastique et revendicative

Lemon, ancien gangster de Belgrade reconverti en professeur de judo, voit son pitbull chéri dénommé Susucre se faire abattre sous ses yeux. Il emmène alors ce dernier chez un vétérinaire, menaçant ce dernier de ne lui laisser la vie qu'à condition qu'il sauve son chien. Redevable envers l'homme, il découvre que le petit ami de celui-ci est organisateur de mariages, et entend bien monter un défilé de la Gay pride dans la ville de Serbie, ceci malgré les menaces et les risques d’agressions. Sa petite amie menaçant de le quitter pour beaufferie agravée, il se voit contraint d'accepter un marché : l'organisation de son mariage, contre la tenue d'un service d'ordre chargé de protéger le défiler...

D'emblée les chiffres font froid dans le dos. Au début des années 2000, le premier défilé de la Gay pride en Serbie, en 2001, avait regroupé quelques 400 personnes, qui durent faire face à une contre-manifestation de près de 10 000 personnes, dont des néo-nazis déchainés. Loin d'être un drame implacable, « La parade » adopte rapidement le ton de la comédie satirique, brossant au vitriol le portrait d'un gangster, franchement beauf sur les bords, et de la bande de givrés qu'il va tenter de réunir pour constituer une escorte musclée capable de faire reculer les manifestants les plus agressifs.

Le film s'ouvre sur cet homme sous la douche, permettant d'introduire le personnage de manière décalée. Le temps du générique, le réalisateur s'attarde sur les nombreux tatouages de cet homme, dont chacune des blessures par balles porte en dessous le lieu et la date de l'agression. Puis une fois vêtu de son peignoir le voici qui chantonne, saluant au fil d'un long couloir, les divers trophées de chasse qui ornent les murs. Naturellement le spectateur hésite d'emblée entre rires étouffés et sentiment d'inquiétude. Il faudra la confrontation du molosse au couple d'homos et surtout à sa future femme, diva ultra-secouée, mais déterminée à avoir son mariage haut de gamme, pour que le public baisse la garde.

Tout en développant de manière cohérente son récit, et en dressant un constat de la mixité ethnique qui perdure malgré tout dans la région, Dragojevic s'amuse à débiner son personnage principal (il a des révolvers partout dans la maison, dans les vases, le four... et même les boites de céréales), autant qu'il charge les composantes supposées stabilisantes de la société serbe. Ainsi on peut découvrir les curés bénissant les nouveaux appareils de musculation, et les commissaires de police afficher clairement leur mépris pour les gays, affirmant qu'en prison les gars s'enculent, parce qu'ils sont obligés d'improviser... mais qu'ils ne sont pas fiers pour autant.

Bref, le ton sarcastique ne plaira pas à tout le monde, les clichés même détournés sont parfois un peu trop appuyés (la voiture rose, qui se fait taguer et retaguer...), mais ils font souvent mouches lorsqu'ils tendent vers la simplicité du message (la vue d'un PD en vrai, la fiancée qui se transforme en fille à PD un peu trop complaisante, le folklore insupportable adulé des hétéros au lieu de la techno rose bonbon des gays...). Rires et émotion sont donc au rendez-vous, sous-tendant un message sur le droit à la différence et à ne pas subir une humiliation quotidienne institutionnalisée. Devant la montée des projets de loi liberticides dans les pays Baltes et les pays de l'Est, un film comme « La parade » méritait bien les trois prix décernés dans la section Panorama du festival de Berlin 2012 (prix Panorama du jury et du public, Teddy award du public).

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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