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LES NUITS ROUGES DU BOURREAU DE JADE

Des femmes qui en ont

Hong Kong, de nos jours. Carrie est une femme sexy et diabolique qui s’adonne à l’art d’appliquer les châtiments du Bourreau de Jade : aidée de son assistant, elle entraîne des jeunes femmes dans sa tanière, les torture et les tue à coups de griffes. Mais son plaisir ne sera véritablement atteint que lorsqu’elle aura mis la main sur le poison qui appartenait jadis au Bourreau, et qui se niche dans une antiquité bien convoitée. Cette antiquité, c’est Catherine, une Française en cavale en Asie, qui la détient sans vraiment savoir ce qu’elle représente. Son chemin croisera bientôt celui de Carrie, par l’entremise d’une autre Française, trafiquante d’art...

Journalistes passionnés de cinéma asiatique, Julien Carbon et Laurent Courtiaud ont percé dans le milieu en tant que scénaristes pour des grands noms tels que Tsui Hark, Johnnie To ou encore Wong Kar Waï (ils assistèrent l’écriture de “In the mood for love”). Avec “Les Nuits rouges du bourreau de jade”, ils signent ensemble leur première réalisation, un polar noir, sexy, sanglant, et légèrement pervers sur les bords. Âmes sensibles s’abstenir !

Dès la première scène, dans laquelle Carrie (stupéfiante Carrie Ng) rencontre sa future victime, on comprend vite que le film sera une ode aux femmes, et surtout aux belles femmes. Plans sur les talons vertigineux qui claquent sur le sol, sur les mains aux ongles vernis qui s’enroulent autour d’un verre, sur les lèvres colorées qui se pincent et s’entrouvrent… On devine la fascination des deux cinéastes pour la gente féminine, dont ils délivrent une vision parfaitement iconique. Puis la scène d’exécution qui suit, plus sombre mais toute aussi sensuelle, révèle un autre de leurs thèmes de prédilection (de leurs fantasmes ?) : celui de la perversité féminine. Prenez une femme fatale manipulatrice et une jeune fille en fleur, ligotez la deuxième sur une table mortuaire et couvrez-la d’un voile de cuir noir qui la moule jusqu’à l’orgasme avant de lui donner le coup de grâce : vous obtenez-là l’une des scènes de crime les plus originales et les plus sexy qu’il vous ait été donné de voir.

Passées ces cinq premières minutes à couper le souffle, le film baisse de régime et emmène les spectateurs dans un récit assez classique, un peu léger par moments, qui sert surtout de prétexte pour truffer le film de références (notamment à « Kill Bill » de Tarantino et, d’une certaine manière, à « In the mood for love » de Wong Kar Waï), se faire plaisir avec une mise en scène stylisée, des décors sublimes et, bien sûr, admirer la démarche chaloupée de belles actrices téméraires qui mettent les hommes à leurs pieds (même si Frédérique Bel, à contre-emploi, ne semble pas toujours à son aise). Résultat : le film souffre de quelques longueurs, mais il est ponctué de belles idées qui rendent le voyage tout à fait agréable. Surtout, Carbon et Courtiaux excellent dans l’art de joindre l’utile (le sang) à l’agréable (la sensualité), en créant des scènes à la fois gores et chics où l’humour n’est jamais totalement absent. En témoigne le long choix d’une lame par Carrie, que l’on imagine destinée à sa victime languissante, mais qu’elle utilise en fait pour remuer son Dry Martini.

Dire que « les Nuits » sont une machine à fantasmes serait donc inapproprié, même s’il y a fort à parier que le public féminin soit un peu plus difficile à séduire que le masculin. Une chose est sûre : Carbon et Courtiaux n’avaient d’autre ambition, pour leur premier film, que celle de se faire plaisir. Et force est d’admettre que c’est plutôt contagieux.

Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur

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