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McQUEEN

Une splendide hagiographie

Un retour, au rythme des défilés majeurs du créateur, sur la carrière éclair et hors norme du styliste anglais Alexander McQueen…

McQueen documentaire image

La cheffe d’atelier de Givenchy raconte dans des images d’archives qu’elle avait peur quand l’incontrôlable Lee McQueen prenait des ciseaux. Elle raconte qu’une fois, il lui avait coupé un pantalon. Il avait fait d’une combinaison pantalon un body à grands coups de ciseaux. La magie du montage montre McQueen en train de rire, disant à propos de cette anecdote qu’il ne s’agit que de vêtement. Dans une autre interview d’archives, l’homme explique que son but, plus que de choquer, est de faire ressentir quelque chose, de provoquer de l’émotion, de faire en sorte que la personne qui sorte de son défilé n’ait pas juste l’impression d’avoir eu son « Sunday lunch », que quelque chose ce soit passé.

Reprenant la forme des « McQueen Tapes », ces enregistrements vidéos que faisaient le créateur, sorte de petit blog sur sa vie, le film revient, défilé après défilé, sur ce qu’à été la carrière de l’homme. Ce choix semble se justifier dans la fin du film quand Lee, aujourd’hui Alexander McQueen, explique à une journaliste face caméra, qu’il subit une pression folle liée au fait qu’il fait quatorze collections par an, et surtout, que cela ne s’arrête jamais pour lui. Quand ses employés rentrent le soir, ils peuvent décrocher ; lui jamais, car quand il rentre chez lui le soir, il est toujours Alexander McQueen. Ainsi donc, parler d’Alexander McQueen, c’est parler de ses défilés et de ses créations, car tout est tellement personnel que rien ne pourrait exister sans lui.

Dans toutes les images d’archives et toutes les interviews, il ne semble cependant jamais prétentieux. Sûr de lui oui, car il est conscient de son talent. Mais quand il dit qu’il ne pense pas que la maison McQueen puisse lui survivre, ce n’est pas en raison de son égaux surdimensionné, mais parce qu’il explique que personne ne peut être lui, et que ce que fait sa maison, c’est lui et que ses défilés sont bien trop personnels pour que quiconque puisse les faire à sa place.

Le film apparaît comme très partial et laudatif. La mise en scène s’inspire fortement de ses créations et de l’idée qu’il a eu un jour d’avoir son visage se transformant progressivement en crâne. Il s’agit pour les réalisateurs de retranscrire l’histoire d’un ovni, un stakhanoviste, un acharné, un passionné, qui comme Rimbaud a tout donné à son art jusqu’à brûler et disparaître. Un anticonformiste, violent, qui a voulu dynamiter les codes d’un système en le ramenant à son essence et à ses bas instincts. Un homme qui a mis dans ses créations tous ses démons, jusqu’à n’en plus pouvoir.

"McQueen" présente ainsi le grand créateur dans ce paradoxe. Il est à la fois le très grand technicien et celui qui n’en a que faire. Il est celui qui a voulu revenir à l’essence de la mode et qui se servait de chaque collection, de chaque défilé, comme un moyen d’exorciser ce qu’il avait à l’intérieur. Ce film participe à la construction d’un génie maudit, d’un génie brisé, seul et empli de noirceur, une dépression constante servant de moteur à son œuvre. Un film à voir absolument, que ce soit pour les aficionados de la mode, pour les curieux, ou pour les amateurs de fortes personnalités et pour ceux qui aiment voir des artistes dévoués, de véritables créateurs dynamiter leur art et le repenser de l’intérieur.

Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur

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