LIVERPOOL
Ou comment faire du vide avec rien
Sur un rythme rock'n'roll, le générique entraînant nous laisse présager d'un film des plus réjouissant. La première scène, qui présente des jeunes s'amusant avec un jeu de foot sur une console vidéo, semble nous promettre un film adolescent dont le titre « Liverpool » laisse peut-être entendre qu'il traitera de l'équipe de football de cette même ville. Que nenni ! Après cette introduction de 3 minutes, le cinquième long-métrage de Lisandro Alonso (jeune Argentin de 28 ans) nous transporte dans un navire cargo au large de l'Argentine, au beau milieu de l'océan Atlantique. On y découvre Farrel, une quarantaine d'années bien tassée, sans attache familiale et qui a pour seule amie sa bouteille d'alcool fort, dont il ne se sépare jamais !
Une fois débarqué, on le suit, comme dans un road-movie, dans un voyage vers ses racines. Mais point de voyage initiatique ici, point de voyage aventureux non plus, la vie de Farrel est aussi vide qu'une bonne bouteille de vodka torchée lors d'une soirée entre amis. Et on s'impatiente rapidement qu'il arrive enfin quelque chose à notre lonely cowboy ou à la communauté du petit village qu'il atteint au bout de quelques jours. Mais non, rien. Rien que des longs plans séquences où Farrel se fait prendre en auto-stop, où il mange au restaurant, où il marche dans la neige, où il regarde la télévision. Rien que des longs plans séquences où un vieux pousse une brouette, où deux amis jouent aux cartes, où un vieil homme nourrit une vieille femme. Rien ne vient troubler la vie de nos gentils (z)héros !
Alonso livre un film méditatif et contemplatif. Autrement dit où on s'ennuie ferme. Il livre aussi un film techniquement de qualité : les cadrages sont parfaits, les lumières sont intenses et les focales utilisées mettent agréablement en valeur chaque scène de son film. Mais cela n'empêche malheureusement pas l'ennui... Et les jeunes adolescents du début jouant avec leur console vidéo, me direz-vous ? Et bien non seulement on n'en entendra plus parler, mais on se demandera aussi en quoi cette scène aura bien pu servir le film ! Aussi mystérieux que la vie de Farrel en quelque sorte...
Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteurCOMMENTAIRES
Barbiragio
vendredi 18 avril - 10h46
Bonjour.
"La première scène, qui présente des jeunes s'amusant avec un jeu de foot sur une console vidéo"... m'apparaît comme un avertissement : ces deux humanoïdes sont absorbés dans un jeu totalement en abstraction de la vraie vie. Ils jouent. Ils jouent à un jeu électronique qui en imite un autre, un match de foot. Ça a l'air d'être le summum de leur vie. En retrait derrière eux, un spectateur discret s'éclipse. C'est celui qui, par le regard de Lisandro Alonso, nous emmènera visiter la vraie vie, à bord d'un porte-conteneurs, puis à Ushuaia, un supposé paradis sur Terre pour tant d'ignorants. On n'y trouve que l'immensité glacée où tout n'est que survie et où rien ni personne ne bénéficie de vies multiples sur un écran vidéo.
Le message, s'il est désespéré, semble clair, vu comme ça, à travers un objectif caméra voué au plan séquence, figé en banquise sentimentale.
J'espère avoir aidé. Cordialement.