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LES COLONS

La sauvagerie sous couvert d’arrivée de la civilisation, dans un film remarquable

1901. Dans une pampa de la Terre de feu soumise à d’intenses vents et où toute terre, supposée fertile, semble pourtant impossible à travailler, le lieutenant MacLennan, ancien de l’armée britannique, accompagné d’un métis prénommé Segundo, accepte comme second un mercenaire texan dénommé Bill. A cheval, tous trois ont une mission, confiée par un grand propriétaire terrien chilien : débarrasser la partie Chilienne Terre de feu des populations autochtones qu’ils pourraient croiser ou débusquer et ouvrir une route vers l’Atlantique. Mais les rencontres en ces contrées encore sauvages ne vont pas leur faciliter cette terrible tâche…

Ce qui frappe d’emblée avec "Les Colons", film passé par Un Certain regard à Cannes en mai dernier, et lauréat du Prix de la critique internationale (FIPRESCI), c’est la notion de sauvagerie qui s’en dégage. Une sauvagerie perpétrée au nom de la civilisation, que ce soit de la part des hommes de main d’un propriétaire terrien chilien qui souhaiterait s’approprier les terres de autochtones, ou d’une armée qui cherche à s’accaparer un territoire voué à être partagé entre Chili et Argentine. C’est donc ici la violence qui prévaut, fusant soudainement à l’écran ou évoquée ponctuellement de manière indirecte au travers de dialogues glaçants, contrastant avec une photographie riche en nuances qui embrasse des paysages appellant plutôt à la contemplation.

Construit en quatre parties (intitulées Le Roi de l’or blanc, Le Métis, Les Confins du monde, Le Cochon rouge), le film ne laisse que peu de répit au spectateur, en permanence aux aguets, à l’image des protagonistes, de la prochaine ignominie à venir, qu'elle émane du trio ou de tiers. Et le scénario tâche de ne rien cacher de la violence de l’époque, des massacres aux viols, en passant par tous modes de meurtres. Le long métrage dispose ainsi d’une mise en scène se mettant au diapason d’une époque (le tournant entre le XIXe et le XXè siècle) où n’était pas encore tracée la frontière entre le Chili et l’Argentine, et où la notion de propriété privée était étrangère aux populations autochtones.

Dans un format peu usuel, Felipe Gálvez Haberle multiplie les cadrages saisissants, créant une lumière toute particulière, utilisant la pénombre ou la brume. La musique, aux accents par moment de marche militaire, vient aussi renforcer le sentiment de menace qui accompagne les trois personnages. Dans un mélange d’anglais et d’espagnol, il fait du personnage de Segundo le témoin involontaire d’une histoire longtemps occultée, dont le récit est finalement nié jusque dans sa conclusion, se déroulant quelque 7 ans après les trois premières parties. Au final, "Les Colons" est sans doute l’un des films qui traite de manière la plus frontale, l’invasion du continent Américain par un homme blanc aussi avide que sans scrupule, le toujours excellent Alfredo Castro jouant en second plan les glaçants vrais coupables.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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