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LEGUA

Différences de générations

Nord du Portugal. Ana aide son amie Emília, une vieille gouvernante qui s’occupe d’un vieux manoir où les propriétaires ne se rendent plus. La fille d’Ana, Mónica, profite aussi des lieux, aimant à se rendre sur le toit avec une amie. Son amant, lui, aide ici à de petits travaux, mais prend la décision, par nécessité, de partir travailler à l’étranger. Ana décide cependant de ne pas le suivre, et le récent malaise d’Emília va l’obliger à prendre soin de celle-ci, alors que les propriétaires manifestent l’intention de vendre les lieux…

Le hasard veut que "Legua" ait été présenté à la Quinzaine des Cinéastes en mai dernier, quelques mois après la découverte, au Festival de Berlin, de deux autres films disposant de thématiques voisines, et exposant des personnages féminins aux aspirations divergentes. Le film argentin "El Castillo" suivait également les relations d'une mère et sa fille, s'occupant d'un petit château, questionnant au passage non seulement les différences de générations, mais aussi la condition d'employé de maison. Mais un autre film portugais, formant un intelligent diptyque ("Mal Viver" et "Viver Mal") semblait poser aussi les mêmes questions, au travers de portraits de femmes tenant un hôtel vieillissant, dont une grand mère, une mère et sa fille.

Difficile du coup pour "Legua" de tenir la comparaison avec ce dernier, même si les metteur et metteuse en scène tentent ici quelques audaces formelles. Ils traduisent ainsi la routine ou le doute de ses personnages au travers d’un plan hypnotique sur une bétonnière qui tourne, ou sur des feuilles dans un seau rouge… Ils mettent aussi en parallèle la torpeur de l'existence d'Ana (la mère qui veille la gouvernante, ou qui se balade en forêt...) avec les tentatives d'évasion de la fille (la techno en boite de nuit, les effets distordant d’une probable drogue...). La forme n’évite pas de nombreuses longueurs (l’interminable irrigation des champs…) même si elle sert un récit fait de suggestions (les objets - un lit mécanique, une chaise roulante… - marquant l’évolution du personnage le plus âgé) et de sensations (à l’image de l’émancipation d’Ana…).

Si ici des draps deviennent supports à rêverie par un jeu d’ombres chinoises, ou un service en porcelaine se transforme en symbole de la transgression entre l'état de servant et celui de maître, le peu d'expressions des interprètes comme le rythme effacé de l'ensemble ne parviennent pas à nous happer dans cette histoire crépusculaire. Il y avait pourtant ici quelques belles idées, de l'ordre du symbolique, dans l’ouverture comme dans la conclusion, avec l'apparition d'un hibou blanc, et ces plans en symétrie sur un portail qu’Ana ouvre au début et referme à la toute fin. Une idée marquant aussi bien la fin d'une époque, que l'affirmation de l’appropriation d'un bien.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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