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L'INDOMPTABLE FEU DU PRINTEMPS

L’attachement à la terre

Lesotho. Devant sa maison, Mantoa, veuve de 80 ans, hurle sa douleur d’avoir perdu son fils. Désireuse d’être elle aussi enterrée sur place, et alors qu’un barrage est en cours de construction et que les terres devraient être prochainement inondées, elle décide de ne pas baisser les bras…

L'indomptable feu du printemps film movie

C’est une histoire de résistance à laquelle nous invite le réalisateur Lemohang Jeremiah Mosese (auteur du déstabilisant et expérimental "Mother, I am suffocating. This is my last film about you"). Ayant tourné dans les hauts plateaux du Lesotho, pays entièrement enclavé dans l’Afrique du Sud, dont la ressource en eau est largement exportée vers celle-ci, c’est à la fois avec des villageois non professionnels et des acteurs sud-africains qu’il a composé ce sombre conte, empreint de traditions (musicales, vestimentaires, commémoratives…) et de la souffrance de ceux qui ont été déportés du fait de la montée des eaux d’une nouvelle retenue. Autour d’une femme de 80 ans, il construit une histoire de deuil et de résistance, celle-ci incarnant une lutte, face à des autorités sourdes et des voisins trop dociles, réveillant au passage les consciences de ceux de son village qui semblaient s’être résignés.

S’ouvrant à la manière d’un conte fatidique, sur une musique d’un bien étrange instrument, le lesiba, instrument dont les cordes résonnent dans la bouche du joueur, avec les paroles d’un homme indiquant qu’une oreille à terre, on entend les pleurs et soupirs de « ceux qui ont péri sous l’inondation », "L’indomptable feu du printemps" raconte donc l’attachement à la terre, le refus du déracinement, dans un récit ceinturé de mort. De l’enterrement initial à la volonté de la femme de mourir sur le lieux, l’histoire est en effet ponctuée de vues symboliques sur le cimetière plein de plastiques, de nouvelles à la radio (seul moyen de communication en ces terres reculées) annonçant de nouveaux morts, et d’événements à l’aspect funeste.

Dépaysant et par moments hypnotique, le film, qui a reçu le Prix spécial du jury au Festival de Sundance 2020, célèbre aussi la dignité d’un peuple (la femme se pare de vêtements aux riches détails pour invoquer sa propre mort…), comme la chaleur des souvenirs (le rêve de rencontre en ralenti saccadé, la cueillette dans les champs de fleurs…) tout en convoquant les démons d’un progrès jugé aveugle, spoliant les terres de villageois toujours ancrés dans des traditions orales (jusque dans le droit de propriété, puisqu’ils n’ont la plupart qu’un « bail oral », et donc aucun recours). Un film à la facture envoûtante pour un véritable sujet de société.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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