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L'ÉTREINTE

Un film de Ludovic Bergery

Corps et âme… théoriquement

Six mois après avoir perdu son mari, Margaux s’installe chez sa sœur et intègre une université pour reprendre ses études de littérature allemande. Au milieu de plusieurs étudiants plus jeunes qu’elle, elle ressent le besoin d’autres émotions, plus charnelles mais aussi plus risquées…

L'Etreinte film movie

C’est par un train que "L’Étreinte" commence et c’est par un train qu’il s’achève. Un travelling latéral répété qui, à lui seul, définit le trajet du film : revenir puis repartir. Que le problème sous-jacent ait été résolu ou pas compte moins que le chemin parcouru sur l’étape centrale. Reléguer au hors-champ son propre passé et les morts qui l’ont caractérisé, et renouer avec autre chose, en l’occurrence les émotions et les sensations, avant de prendre un nouveau départ. Tel est, en gros, le résumé de ce premier film de Ludovic Bergery. Soit une belle quinquagénaire qui quitte Nice pour les environs de Versailles après la mort de son mari, et qui, au contact d’une bande d’étudiants pendant la reprise de ses études de littérature, retrouve le besoin ardent du contact, du toucher, du sensuel, de l’amour physique. Des étapes se succèdent alors pour s’achever par des échecs : une première nuit avec un professeur du même âge qu’elle, une partie de jambes en l’air avec un type marié rencontré sur un site de rencontres, etc…

A chaque fois, l’idée est la même : toucher quelqu’un des yeux, en profondeur, avant de pouvoir passer à l’étreinte. Un processus de mise en scène que Bergery réussit assez bien lorsqu’il filme le rapprochement des corps, isolant sans cesse des frôlements et des gestes à des fins sensorielles, mais qui a tôt fait de tourner à vide. Le problème du film est hélas double. D’abord sa structure narrative plus démonstrative qu’autre chose, qui amorce d’abord le beau portrait d’une véritable femme-enfant, aussi candide et exaltée qu’une adolescente (son premier amant met fin aux ébats par une phrase-choc : « Je n’ai pas envie de le faire avec une adolescente »), avant de l’abîmer par des poncifs sentimentaux qui oscillent entre le prévisible (surprise : le jeune mec dont l’héroïne s’est amourachée sur Meetic est en réalité un père de famille !) et le hors-sujet (cette équipée nocturne avec une poignée de russes bourrés et malsains, WTF ?!?). Ensuite la seule présence d’Emmanuelle Béart qui, on le regrette, a tendance à faire se confondre l’actrice avec son rôle au lieu de la laisser l’incarner pleinement. On la retrouve ici dans un rôle finalement assez voisin de ce qu’elle avait déjà pu jouer chez Sautet, chez Rivette, chez Wargnier ou encore dans cet embarrassant ratage déstructuré qu’était "Ça commence par la fin", à savoir l’incarnation sensuelle et charnelle d’un besoin d’amour tantôt maladif tantôt irraisonné. Quand bien même l’actrice reste puissante et généreuse dans les nuances qu’elle parvient à instaurer (quoique son accompagnement d’une reprise au trombone des Rita Mitsouko suscite le facepalm !), c’est elle que l’on voit et pas son personnage – une nuance qui fait hélas toute la différence.

Là où le film se rattrape un peu in fine, c’est dans un détail qui aurait pu lui être fatal : l’usage fréquent de la langue allemande dans un cadre d’université où cette langue et la nôtre sont mélangées durant les cours. Sans qu’aucun sous-titre ne soit imposé dans la narration, ce choix auditif impose un certain rythme et tend même à déréaliser l’atmosphère, un peu comme si la seule musicalité de mots que l’on ne saisit pas se suffisait à elle seule pour éclairer un état d’esprit. Ce moment furtif où Béart s’endort dans son lit en écoutant un professeur parler en allemand sur son ordinateur dit tout de ce que le film n’est hélas que partiellement : un voyage intime, entre réalité et fantasme, vers la renaissance. Soulignons enfin ce « guide » joué par Vincent Dedienne, à savoir un étudiant homosexuel qui devient le confident de l’héroïne et joue les aiguilleurs fraternels à maintes reprises. Un second rôle trop peu présent et trop effacé pour faire en sorte que le film nous étreigne autant qu’il aurait dû le faire.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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