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JIMMY'S HALL

Un film de Ken Loach

L'éternel affrontement

1932. James Gralton, exilé aux États-Unis suite à la guerre civile irlandaise, revient au pays après 10 ans d'absence. Entouré d'une certaine réputation, il trouve un échos particulier auprès des jeunes du comté, qui voient en lui quelqu'un qui pourrait apporter un peu de joie en ces temps de crise, notamment en rouvrant le dancing qu'il animait autrefois, le Jimmy's Hall. Après quelques réticences, il se lance dans ce chantier, malgré quelques oppositions, des grands propriétaires du coin, et de l'église...

Ken Loach nous livre une nouvelle fois un film ample et majestueux dont il a le secret, une histoire à la fois universelle de lutte des classes, où les aspirations de dignité des petites gens sont au centre de l'intrigue, et intime, où les renoncements individuels font mal au cœur, autant qu'ils donnent envie de se battre. Car s'il est bien une caractéristique des films « sociaux » à la Ken Loach, c'est qu'on en ressort avec une farouche envie de rébellion et de lutte contre les injustices et contre ceux qui veulent imposer un modèle de société où seuls riches et hommes de pouvoirs auraient un pouvoir de décision.

Annoncé comme le dernier film de fiction de l'auteur de "Land and Freedom », "My Name is Joe" ou récemment "La Part des anges", qui se consacrerait désormais au documentaire, le film a été présenté en Compétition au dernier Festival de Cannes, dont il est reparti finalement bredouille. Débutant sur des images d'archives, resituant le contexte historique, des années fastes de construction jusqu'à la crise de 29, de la guerre d'indépendances (1919-1921) à la guerre civile et au traité avec les Britanniques, l'installation n'expliquera qu'un peu plus tard la raison de l'exil de Jimmy.

Car Ken Loach, positionnant toujours l'être humain avant la cause (ou au beau milieu de la cause) préfère présenter en premier l'arrivée de Jimmy, son contact avec sa mère, affaiblie, avec la communauté dans laquelle certains ne le connaissent que comme une « légende », et surtout avec celle qu'il aimait, et qui s'est depuis mariée. Commence alors l'affrontement idéologique, avec le prêtre de la paroisse, qui voit en l'ouverture d'un dancing un signe de débauche, et qui revendique le droit exclusif de l'église à enseigner, et avec les puissants propriétaires terriens, qui voient en lui une menace.

Le récit est efficacement construit, l'histoire d'amour sous-jacente fait mouche. Mais surtout, Loach enfonce le clou sur les périls qui guettent ses personnages et l'être humain en générale. Il fait même dire à l'un de ses personnages, une phrase qui résume presque tout un pendant de son œuvre : « nos opposants sont toujours les mêmes ; les maîtres et les prêtres ». Il rappelle aussi que l'ennemi n'est pas une mouvance politique, « mais la pauvreté ». Choisissant de mettre en avant les rouages d'une persécution facile de la part des gens installés, le scénario signé une nouvelle fois Paul Laverty, fait un parallèle évident avec la situation de crise actuelle, désignant clairement le coupable de celle de 29 : l'homme, « pas le destin ». Superposant une nouvelle fois à tous ces enjeux politiques, une histoire d'amour contrariée, l'émotion s'impose, ample et belle.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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