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JERSEY AFFAIR

Un film de Michael Pearce

L’île du doute

Sur l'île de Jersey, une jeune femme tombe amoureuse d'un homme mystérieux, qui se retrouve soupçonné de plusieurs meurtres. Tandis que sa famille ne cesse de l’isoler et de la tyranniser, elle décide de le défendre aveuglément. Mais est-il vraiment innocent ? Et qu’a-t-elle réellement en tête ?

Présenté récemment en compétition au festival Hallucinations Collectives (où il aura récolté le prix du Jury Presse), "Jersey Affair" est clairement ce que l’on peut appeler une perle rare. Le genre de film – qui plus est un premier film ! – capable de jouer sur les bascules de récit, de vriller d’un genre à l’autre en fonction des exigences de l’intrigue, de laisser filtrer un puits d’ambiguïtés sous une chape de fait divers basique. A première vue, rien de moins qu’une intrigue amoureuse sur fond de la fameuse affaire de la « Bête de Jersey » (un redoutable violeur d’enfants qui aura longtemps sévi sur la petite île britannique durant les années 60), avec ce que cela suppose comme interrogation : pour cette jeune femme (époustouflante Jessie Buckley) tiraillée entre son amour pour un tueur potentiel et l’emprise d’une communauté intolérante, vers quelle forme de dichotomie Bien/Mal va-t-elle choisir de se tourner ?

Bien plus tordu qu’il n’en a l’air, ce récit dévoile avant tout un cinéaste aussi à l’aise dans le drame poignant que dans la pure mise en tension. Michael Pearce émeut en même temps qu’il perturbe, ne tombe ici dans aucun piège, et tisse au contraire avec brio celui dans lequel il tend à vouloir nous précipiter. Sa force est de faire plier la certitude sous le poids du doute constant, usant de divers revirements de récit et de la psychologie vacillante de son héroïne pour mieux faire vriller les apparences, et ce jusqu’à un double climax final qui laisse là encore l’incertitude gagner du terrain. C’est donc de cette approche du concept de dualité, ici combinée à une maîtrise folle du genre et de la caméra, qu’un vrai sentiment d’hallucination finit par naître pour ne plus nous lâcher en sortant de la salle. Et c’est peu dire que le film continue de hanter après coup, un peu comme s’il lui fallait démarrer pour nous là où tout s’achève pour lui. Pour un coup d’essai, on peut clairement parler d’un coup de maître.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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