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LA JALOUSIE

Un film de Philippe Garrel

Un très joli rôle pour Anna Mouglalis

Une femme pleure. Dans la chambre à côté, sa fille dort. Réveillée par la voix de son père, cette dernière entend sa mère le supplier de ne pas partir...

Paré d'un noir et blanc toujours impeccable, le dernier film de Philippe Garrel ("Les Amants réguliers", "La Frontière de l'aube") nous offre une histoire toute personnelle, en évoquant un moment de la vie de son propre père, l'acteur Maurice Garrel. Mine de rien, au travers de cette histoire de relation amoureuse tourmentée entre une actrice de cinéma trop exigeante et à la limite de la dépression, et un acteur de théâtre tenté par l'adultère, il creuse son sillon, disséquant non pas les déchirements d'un couple (il évite assez globalement la présence de la femme quittée), mais la difficulté d'un nouveau couple à rester uni face aux difficultés de la vie qui s'offre à eux, à une certaine promiscuité et à une évidente inégalité de situation professionnelle.

Exploitant à minima les différentes facettes de la jalousie, il confronte ses personnages à des paroles ou des situations qui provoquent chez eux le doute, avant que celui-ci ne prenne une dimension irrationnel. Parler des collègues femmes (dont une actrice sur une pièce), laver les pieds d'un homme qui n'est pas un parent (le personnage d'Anna Mouglalis entretient une relation presque équivoque avec son mentor, un vieil auteur), aborder maladroitement le sujet d'une possible infidélité, il y a là autant de motifs pour provoquer ce sentiment amer qu'est la jalousie. Du mélange initial des deux histoires, Garrel bascule progressivement vers un récit unique centré sur le couple d'acteurs, tout en ménageant des moments cruels pour l'ex-femme, confrontée notamment aux récits de sa fille, qui ne peut s'empêcher de dévoiler, par bribes, ou par objets interposés, des moments d'une histoire dont elle ne fait plus partie.

Dans ce récit, Philippe Garrel attribue le rôle de l'homme à son fils Louis, ce dernier se contentant de livrer son usuel numéro de dandy partiellement lointain, sans qu'on sache s'il « est » ou s'il « joue » ce rôle, ceci tout en dégageant cependant un cynisme et un charisme imposants. Face à lui, c'est Anna Mouglalis qui joue l'actrice en proie aux tourments, trouvant ici un de ses plus beaux rôles : à la fois fragile et perdue, exigeante et exaspérée, dynamique et abattue, elle évolue progressivement, choisissant au final sa propre existence, sans se soucier des souffrances de l'autre. Si Garrel en profite pour évoquer en filigrane les risques du métier d'acteur pour les couples existants (multiplicité des rencontres, confinement des tournages...), son récit dénote parfois, provoquant des rires involontaires dans l'audience, lorsque que par exemple Mouglalis se plaint de la pauvreté et de la petitesse de l'appartement. Ainsi quelques lignes de textes suffisent malheureusement à discréditer tout un pan de l’œuvre, apparaissant presque indécentes en ces temps de crise, et montrant encore une fois qu'une partie des artistes parisiens vivent bel et bien en dehors du monde réel. Dommage.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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