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IL N’Y A PAS D’OMBRE DANS LE DÉSERT

Un film de Yossi Aviram

Il y a trop de désert dans l’ombre

Anna, une écrivaine française, se rend à Tel Aviv pour assister au procès d’un ancien nazi. Elle y croise un dénommé Ori, profondément bouleversé de reconnaître en elle le souvenir de cette femme avec qui il vécut une histoire d’amour passionnelle à Turin vingt ans plus tôt. Mais Anna, interloquée, soutient qu’ils ne se sont jamais rencontrés. Déterminé à faire ressurgir une vérité enfouie, Ori l’emmène avec lui au milieu du désert…

Il y a fort à parier que le film de Yossi Aviram créera moins des réactions contrastées que des lectures éparses, dans le sens où la nature réelle des enjeux et de son propos prennent une forme incertaine à mesure que le scénario change d’optique. On aura beau vanter ici et là une prétendue réflexion sur le poids de la mémoire individuelle et collective, la quête de vérité qui est à l’œuvre dans ce récit à double visage (voire plus) aura tôt fait de faire écho au titre du film – ce n’est pas en basculant sans crier gare dans l’épure méditative que la richesse du propos va forcément s’imposer.

Reconnaissons tout de même à la première demi-heure de maintenir un intérêt certain à force de se bâtir sur un système d’échos et d’oppositions liés aux deux protagonistes, tant sur le plan de la mémoire (il se souvient de tout, elle ne se souvient de rien) que de la parole (la mère de l’une n’arrête pas de parler, le père de l’autre n’a pas envie de témoigner), le tout sur fond de procès centré sur la question-clé de l’identification (malmené par l’éructation malsaine et over-théâtrale de l’avocat général, un témoin est amené à douter de sa conviction et réagit avec colère – c’est la seule grande scène du film). En outre, quelques passages animés à résonance mémorielle – très "Valse avec Bachir" dans l’âme – surgissent de temps en temps pour donner à voir ce qui semble être le souvenir commun des deux protagonistes. Jusqu’à ce qu’à mi-parcours, le récit bascule… pour hélas se perdre définitivement.

Sans que l’on saisisse réellement pourquoi, cette transformation d’un récit dramatique et mémoriel en un faux survival désertique sur fond de kidnapping (car c’est bien de cela qu’il s’agit) coupe toute chance au film d’obtenir cohérence et singularité. D’abord parce que le scénario tourne alors en rond autant que les deux héros (l’une larguée et très éteinte, l’autre instable et très atteint), ensuite parce qu’on aura grillé avec deux longueurs d’avance la révélation cachée qui les concerne, enfin parce que cette persistance de deux individus incapables de se transcender eux-mêmes n’a même pas la décence de titiller la mise en abyme (ce qui aurait pu être un angle plutôt intéressant). La dramaturgie perd ainsi toute sa force initiale, le récit avance pépère vers ce qui ressemble moins à une ouverture qu’à une impasse, et le talent des comédiens n’y peut hélas rien du tout. Dans le désert, il n’y a peut-être pas d’ombre mais pas forcément davantage de lumière.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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