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HUNGRY HEARTS

Un film de Saverio Costanzo

Une terrible spirale pour un sujet traité avec force

Un Américain rencontre une jeune Italienne dans les toilettes d'un restaurant, où ils se retrouvent tous les deux enfermés. Ainsi, font connaissance deux êtres que tout sépare, mais qu'une histoire d'amour va rapprocher. Alors qu'elle doit rentrer au pays sous deux mois, du fait d'une mutation, la jeune femme tombe enceinte...

Après une scène d'ouverture plutôt crue, l'union de deux étrangers, un Américain et une Italienne, qui semblait peut-être trop rapidement scellée, va progressivement se déliter autour des questions liées à la grossesse, l'accouchement puis à la manière d'élever un enfant. Grâce à une succession d'ellipses, donnant à voir des moments clés de la grossesse de la femme, du mariage, ce sont finalement les doutes et les peurs d'un mère dans le désarroi qui sont décrits dans le détail.

Sans manichéisme aucun, le scénario s'attache dans un premier temps à semer le doute sur les bonnes intentions de l'homme, suggérant une domination plus ou moins volontaire (la jouissance en elle qui provoqua, on le suppose, la grossesse ; les règles qu'il essaye d'imposer avec autorité...) tout en mettant en évidence les promesses d'entraide que chacun ne tiendra qu'un temps. Puis vient un progressif basculement, les peurs de la femme, d'abord en filigrane (cauchemar quant à l'amour supposé, visite chez une voyante...), se transformant ensuite en défiance généralisée puis en surprotection maladive (absence de contact extérieur, refus de l'intervention des médecins...).

Entretenant en permanence le doute, le scénario de "Hungry hearts" décrit un personnage féminin loin d'être un monstre, à la fois fragile, effrayé par le monde et potentiellement influençable dans sa manière d'appréhender la maternité. La mise en scène, quant à elle, s'adapte à l'état d'esprit de cette femme ou aux sursauts de tension dans le couple. Ainsi, la caméra à l'épaule devient tremblante lorsque les premières disputes se font jour. Puis d'étranges plans viennent ponctuer l’aggravation de l'état psychologique de la femme : d'un plan zénithal (l'arrivée de la mère) à une contre-plongée spectaculaire sur un escalier, en passant par un grand angle lorsque le danger est réellement présent ou encore des effets de distorsion de l'intérieur de l'appartement.

S'attaquant au sujet difficile de la malnutrition et de la maltraitance des enfants en bas âge, "Hungry hearts" plonge progressivement dans le thriller familial, impliquant peu à peu d'autres acteurs dans une lutte pour la bonne santé d'un enfant devenu un enjeu de batailles. Aussi brillant que percutant, le film arrive à nous faire trembler pour l'avenir du rejeton, ballotté entre diverses approches de ce que doit être son éducation, et doit énormément à ses deux interprètes principaux, tous deux récompensés d'un Prix d'interprétation au Festival de Venise 2014 : Alba Rohrwacher, inquiétante en diable, et Adam Driver, tourmenté entre amour et instinct de protection.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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