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HUMAN FLOW

Un film de Ai Weiwei

Un documentaire frontal sur les phénomènes de migration à l’échelle mondiale, à la puissance visuelle atténuée par la présence d’Ai Wei Wei, qui se met inutilement en scène

Dans une mer immense, survolée par quelques oiseaux, apparaît un point particulier : un bateau de réfugiés. S’en suit un débarquement quelque peu chaotique…

Aux plans zénithaux initiaux, sur une mer immense emplissant l’écran et dans laquelle un bateau empli d’une multitude de réfugiés n’est qu’un point minuscule, succède d’emblée une vision frontale, tournée façon « Go Pro », du débarquement des rescapés de cette traversée. C’est ainsi qu’Ai Wei Wei, ici réalisateur, a voulu son documentaire sur les migrants du monde moderne, comme une alternance de plans très « graphiques » montrant l'ampleur des phénomènes (des gilets de sauvetages par milliers, l’aspect géométrique des camps, le débarquement sans fin de 720 personnes d’un seul rafiot…) et d'images frontales rarement montrées (les colonnes d’humains gagnants la frontière de Macédoine et d'autres pays d'Europe de l'Est, les conditions de vie déplorables dans les camps en plein désert…).

Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, Ai Wei Wei est un artiste dissident chinois, dont on avait adoré le portrait provocateur et politique dressé par Alison Klayman dans le documentaire "Ai Wei Wei, never sorry" qui est parti de Chine après avoir été longtemps assigné à résidence et vit aujourd'hui à Berlin. Loin de ses œuvres d'art aussi graphiques que réflexives, le voici donc qui nous propose un tour du globe de la situation des migrants, évoquant un à un différents peuples, dont les syriens, kurdes, musulmans de Myanmar… Il livre ainsi un documentaire où la symbolique dispose d’une place prépondérante, et dans lequel la parole des migrants eux mêmes est mise en scène (un homme s’essuyant les yeux avec derrière une pancarte marquée « Respect », une femme de dos se demandant « où est-ce que je pourrais recommencer à vivre »...).

Malheureusement, si l'on saisit bien l'intention du réalisateur, il faut se rendre à l'évidence : au-delà du discours humanitaire et politique sous-jacent, les nombreux moments où l’auteur se met lui-même en scène n'ont pas d’intérêt en soi. Ceci d’autant plus qu'il ne fait aucun parallèle avec son propre parcours d'exilé. Un parti pris regrettable qui amoindrit la portée de ce documentaire ayant le mérite de tenter de globaliser la question des populations déplacées. Resteront quelques images fortes, de visages usés, de champs de pétrole en feu noircissant le ciel, ou d’évacuation de la jungle de Calais. C’est malheureusement bien maigre au sein du flot de documentaires sur le même sujet qui envahissent les écrans depuis deux ans.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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