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HOLLY

Un film de Fien Troch

Un don peut-il rester désintéressé dans le monde actuel ?

Holly, jeune fille perçue comme étrange par son entourage, est raillée par un groupe de filles et harcelée par ses camarades de classe. Un matin, elle appelle le lycée pour indiquer qu’elle ne viendra pas en classe. En pleurs, elle indique que « quelque chose de mal va arriver ». Quelques heures plus tard, elle aperçoit de sa fenêtre une fumée noire, en direction de son établissement. Neuf mois plus tard, alors qu’une professeure organise une excursion pour les proches des victimes de l’incendie, Holly, qui se joint au groupe, semble avoir un don pour soulager la peine de ceux avec lesquels elle rentre en contact…

Mis en scène par la belge Fien Troch (à qui l’on doit "Home" et "The Unspoken"), "Holly" est une fable moderne, en forme de portrait d’une adolescente de 15 ans, un peu marginale. Harcelée au lycée comme son ami Bart, elle va voir son destin basculer lorsqu’une professeure va vouloir voir en elle, un don pour soulager les autres, que ce soit dans leur douleur, leur déprime, leurs difficultés, voire même leur maladie. Une simple ellipse permet déjà de suggérer une certaine clairvoyance chez elle, le plan sur la fumée noire se dégageant au loin, cédant la place à un autre plan sur un mur bardé de portraits nous apprenant le nombre de victimes d’un incendie : 10. C’est ainsi avec une certaine finesse et force suggestion, que la réalisatrice va ensuite aborder la question du supposé pouvoir de Holly (dont le prénom, « Sainte » en français, n’est pas une coïncidence).

À chaque nouvelle personne touchée, c’est le regard de l’autre, par un zoom lent, doublé d’une musique planante, qu’il s’agisse de la professeure ou du spectateur lui-même, qui projette sur le personnage son désir de soulagement, mais aussi de surnaturel. Semblant provoquer un changement d’état d’esprit chez une camarade déprimée qu’elle frôle en passant, le doute ou l’espoir s’immisce peu à peu, changeant aussi les attitudes des proches comme de Holly elle-même. Peu à peu, le malin scénario interroge ainsi plus l’attitude des autres face à ce don, vu comme quelque chose de sacré (pour la professeure), quelque chose de malsain (pour d’autres élèves), ou comme un service rendu, qui doit entraîner logiquement contrepartie (célébrité, argent...) pour d'autre. Et c’est dans l’évolution du positionnement d’Holly elle-même que l’intrigue vient troubler les limites entre générosité et intéressement, questionnant la possible existence dans la société d’aujourd’hui de gestes de bonté qui restent gratuits, comme la notion de justice ou d’égalité face à un bienfait.

Afin de laisser planer le mystère, la mise en scène joue des sons effacés, d’une musique discrète, de lents zooms avant, amplifiant des gestes anodins, tout en relativisant progressivement le désintéressement du personnage principal et de celui de la professeure. Oublié du Palmarès du dernier Festival de Venise, le film a connu depuis quelques beaux succès, remportant notamment l'Atlas d'or au Arras Film Festival. Un film troublant, à découvrir également pour sa jeune actrice principale, Cathalina Geraerts, qui participe beaucoup de l’entretien de l’ambiguïté autour de son personnage, considérée comme une sainte par certains et une sorcière par d’autres.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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