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HELI

Un film de Amat Escalante

Une violence au cœur du système

Très bon copain avec le petit ami de sa sœur, Heli se laisse convaincre par ce dernier que la seule chance d’échapper à leur situation, est de détourner un peu de la drogue que lui-même, en tant que policier, est chargé de brûler, au nom de la lutte menée par le gouvernement. Ce dernier le mettant devant le fait accompli, c’est son frère qui décide de cacher les paquets au fond d’un puits. Mais peu de temps après, la police fait une descente chez eux…

Le réalisateur mexicain Amat Escalante était déjà venu par deux fois au Festival de Cannes avec "Sangre" (prix Un certain regard et prix de la critique en 2005), puis avec "Los bastardos" côté Un certain regard en 2008. Il a cette année succédé à son compatriote Carlos Reygadas en remportant lui aussi le prix de la mise en scène, un an après "Post Tenebras Lux", avec son nouveau film, intitulé "Heli", un brûlot dépeignant la violence quasi ordinaire à laquelle son pays semble désormais s'être habitué.

Pourtant les scènes chocs ne manquent pas et le film s'ouvre d'ailleurs sur un plan montrant deux hommes ligotés, transportés dans un pick-up, l'un le visage en sang, écrasé par une botte, et bâillonné avec du scotch. Se terminant par la pendaison de l'un d'eux, cette introduction qui donne le ton d'une œuvre résolument sans concession, semble servir de prologue au récit clinique d'une plongée en enfer, pour un jeune homme pourtant empli de l'unique volonté de s'en sortir. Bouclant cependant la boucle aux deux tiers du film, Escalante choisit de se concentrer par la suite sur le traumatisme du personnage principal, tout en montrant comment la violence finit toujours, telle une gangrène, par se propager, jusque dans l'intime.

Sur un scénario sans grande surprise, il greffe quelques scènes chocs, loin de la seule suggestion (le sort fait au petit chien de la sœur du héros, les tortures infligées devant des enfants de bourreaux influençables pétris de jeux vidéos, dont le feu mis au sexe...) sont parfois subtiles. La mise en scène et la composition de certains plans ou scènes percutantes (le travelling arrière lorsque la femme découvre la maison vide et les traces de sang, le regard de fou face au miroir, le cadre dans le cadre lors de la scène clé finale...), tout concoure à concocter une ambiance pesante qui ne peut laisser de marbre. Traitant d'une violence irriguant les veines d'un système tout entier (la police, divers groupuscules concurrents...), le réalisateur en profite pour dénoncer la corruption de la police, l'impuissance de la justice et la passivité résignée des habitants, tout en affirmant un style cru, aux essais formels prometteurs.

Une œuvre politique qui utilise la symbolique avec parcimonie, mais qui conclut avec ironie sur toute l'importance du conflit dans la construction même et l'équilibre de l'individu.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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