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GOLTZIUS ET LA COMPAGNIE DU PÉLICAN

Un film de Peter Greenaway

Art, censure et mécénat

Hendrik Goltzius est un peintre et graveur de renom. Cherchant des subsides pour acheter une presse et ouvrir une imprimerie, il propose au Margrave (marquis) d’Alsace, de jouer avec sa troupe 6 tableaux de la bible, abordant des tabous de la sexualité, dont il pourrait faire un livre au tirage limité…

Située au XVIe siècle, l'action de "Goltzius et la compagnie du Pélican" pèche par excès de mises en abîmes et de fantaisie grotesque revendiquée. Car d'emblée, Peter Greenaway prend l'option de faire commenter à son personnage principal, une période de sa vie passée, lorsqu'il cherchait à se faire financer un projet, mêlant par surimpression ses prises de recul complices, et une mise en scène théâtrale, qui elle-même se nourrit d'interférences entre le commanditaire et des membres de sa cour, et les acteurs qui incarnent des personnages bibliques dans des scènes plus qu'intimes.

Sans trop se tromper, on pourrait qualifier cette nouvelle œuvre à la fois d'expérimentale, fantasque et extrêmement chargée. Il faut dire que son inventivité et sa capacité de décomposition quasi analytique, ont fait les beaux jours du réalisateur gallois. Avec des œuvres très cérébrales, autour de jeux macabres aux multiples lectures comme dans "Drowning by Numbers", par des expérimentations dans la forme avec le split-screen de "The Pillow Book", et des compositions picturales magnifiques comme dans le portrait inspiré du peintre Rembrandt avec "La Ronde de nuit", ou encore avec l'exploration d’œuvres pour la Biennale de Venise, le cinéaste s'est créé un public de fidèles.

Mais il faut bien avouer que cette fois-ci, il est bien difficile de ne pas rester à la porte de ce monde qu'il invente devant nous. Abordant les tabous de la sexualité au travers de 6 tableaux évoquant tour à tour l'initiation (Adam et Eve), l'inceste (Loth et ses filles), l'adultère (David et Bethsabée), la pédophilie (avec la femme de Poliphar), la prostitution (Samson et Dalila) et la nécrophilie (avec Salomé), son film traite à la fois de la transgression, au travers de l'art et de la représentation théâtrale, des pulsions inavouées et de la montée des intégrismes. Avec une parabole évidente sur la censure et le pouvoir de l'argent sur l'expression artistique, il fustige le pouvoir excessif et la perversion des mécènes et autres pourvoyeurs de subventions.

Multitude des nus, richesse d'un décor quasi conceptuel, "Goltzius et la compagnie du Pélican" inscrit son action au sein d'une sorte de grand hangar dans lequel se meut un décor polymorphe, fait de pièces sans mur, de figuration minimale d'un théâtre, d'une salle bains, d'une prison ou d'une salle de réception. Pour donner de l'ampleur et de la texture aux lieux, il simule par ordinateur certains éléments, comme des colonnes reprenant en images de synthèses le tracé des poteaux en acier. Puriste, Greenaway ne convainc que partiellement, même s'il réussit indéniablement, avec peu de moyens mais des costumes superbes, à créer une évocation des fastes et d'une certaine décadence.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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