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LA FILLE DU JUGE

Un film de William Karel

Tragique

Peu de temps après son arrivée à New York, Clémence découvre, horrifiée, les attentats du 11 septembre 2001, qui lui remémore son passée, avec son père, le Juge Boulouque, chargé des affaires de terrorisme islamiste dans les années 80…

William Karel est un réalisateur de documentaires mêlant toujours intimement politique et affaires. Après « CIA, guerres secrètes » et « Le monde selon Bush », il s’intéresse cette fois-ci aux attentats commis durant les années 80 et aux rapports entre justice et pouvoir en place, au travers du portrait indirect du juge Boulouque. Sa décision d’adapter le livre de Clémence Boulouque, sa fille, et d’adopter justement sa vision pouvait paraître risquée. Pourtant, c’est à ce fort parti pris, laissant s’exprimer les mots mêmes de cette enfant blessée (tirés du livre « Mort d’un silence », et dits par Elsa Zylberstein), que l’on doit une grande partie de l’émotion qui émane de ce film.

Choisissant de ne pas faire intervenir d’autres témoins, Karel éclaire les dires de la jeune femme part des extraits de journaux télévisés ou des archives. Et cela donne un récit parfois décousu, mais à l’allure spontanée et tenace dans sa subjectivité. Aux films de vacances du début succèdent les interviews où l’on perçoit le malaise et les pressions politiques. L’épisode de la relaxe du chauffeur de l’ambassade d’Iran, quasi parallèle à la libération d’otages française, suivi de peu par un débat ordurier entre Miterrand et Chirac pour les présidentielles 88, a de quoi laisser pantois.

« La fille du juge », s’il ne démontre volontairement rien, reconstituant un vécu plus qu’enquêtant sur des faits, laisse un étrange goût amer. D’un côté, on imagine aisément le traumatisme des surveillances permanentes, le gâchis des vacances annulées ou écourtés pour raison de travail, ou de la vie de famille réduite à peau de chagrin, qu’a pu subir la jeune fille. De l’autre, on comprend le sentiment d’inutilité, de manipulation, d’abandon de la part de ses supérieurs, qui courraient dans la tête de ce juge de bonne volonté, avant de se donner la mort. C’est écartelés par ces impressions que le réalisateur nous laisse, livrant la conclusion au bon soin des mots et des maux de Clémence, dont les doutes resteront avec vous pendant longtemps.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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