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EL CLAN

Un film de Pablo Trapero

Les séquelles d'une dictature

Arquimedes, patriarche bien placé dans les arcanes de l'administration sous la dictature argentine, se retrouve mis au placard, lors de la transition vers la démocratie. Pour autant, il continue de tenir son clan d'une main de fer, se livrant toujours à des kidnappings tournant parfois au meurtre...

Pablo Trapero réussit avec une élégance toute particulière, qui lui a d'ailleurs valu le Prix de la mise en scène au Festival de Venise 2015, à dépeindre les derniers temps de la dictature argentine. En mettant en scène un fait divers inspiré des agissements du clan Puccio, il dépeint l'horreur avec une froide distance et une sorte d'ironie, se focalisant sur les membres de cette étrange famille au fonctionnement peu catholique. Étalant son intrigue sur trois années, de 1982 à 1985, il décrit l'isolement progressif de ce groupuscule au départ soutenu en silence par les autorités (et dont le « savoir faire » arrangeait bien certains, on s'en doute, pour organiser d'autres disparitions, plus politiques), et changeant forcément de statut avec l'avènement de la démocratie.

Plongeant le spectateur au sein de ce clan, en collant au plus près du jeune fils, Alejandro, champion de rugby, il montre les mécanismes de l'embrigadement de l'intérieur. Au travers de celui-ci et des autres membres de la famille, il dénonce la collaboration active comme passive ainsi que la propension facile à détourner le regard, créant ainsi une intelligente parabole sur l'attitude de toute une population lorsque la dictature était encore en place. Proposant ainsi en négatif le portrait du père manipulateur (Guillermo Francella, au regard terrifiant), fonctionnaire de la dictature impliquant toute sa famille dans de sordides affaires d'enlèvements, capables de colères froides, "El clan" constitue un thriller cynique aux scènes parfois choc.

Il aborde de manière clinique les agissements de cet homme, sans pour autant évoquer ses pratiques liées à sa position dans la police secrète. Par de beaux plans séquences il introduit l'ensemble de la famille (la scène du plateau repas...) ou aborde un enlèvement particulier, ne cachant rien de l'horreur ou de la violence latente du père. Laissant par moments transparaître l'état de nervosité des uns ou des autres enfants (l'essai du respirateur de plongée...), Trapero donne à voir l'incapacité à se soustraire à une emprise néfaste, hormis par la fuite. Il embrasse ainsi subtilement l'ensemble des rouages de tout un système basé sur une terreur sournoise.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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