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DISCONNECT

Un film de Henry-Alex Rubin

Une invitation à se déconnecter d’urgence

Une femme ayant perdu son fils passe son temps sur un forum où elle trouve matière au dialogue que lui refuse son mari. Mais ces tchats en apparence bienveillants lui vaudront un piratage de toutes ses données, bancaires comme d’identité, dont les conséquences pourraient être dramatiques. Deux gamins créent un faux profil Facebook pour mieux humilier l’un de leurs camarades de classe. Une journaliste entre en contact avec un jeune homme se livrant à du tchat pornographique sur le net. Mais son désir de l’interviewer se mêle aussi à une compassion qui n’a pas sa place dans son métier…

Comme toujours avec les films qui traitent de l’influence d’internet, de fervents supporters crieront au scandale et à la diabolisation d’un outil permettant la libre expression individuelle. D’autres iront même plus loin en disant que l’auteur n’a rien compris à ce qu’est la toile, ni à comment les ados l’utilisent, dans leur vie quotidienne, au travers notamment des réseaux sociaux. Ce fut le cas notamment lorsque Hideo Nakata s’est attaqué au sujet avec le pourtant prenant "Chatroom", les détracteurs reprochant l’impossible transposition cinématographique du tchat en ligne et la stigmatisation de dérives fantasmées, basées sur l’esprit potentiellement pervers des utilisateurs.

"Disconnect" s’inscrit donc dans cette lignée, décrivant, au travers de trois histoires construites en parallèle, les dangers d’une confiance mal placée, en des individus qui utilisent internet pour arriver à des fins peu avouables. L’outil apparaît donc comme un simple média, qui permet à quelques-uns de se faire passer pour d’autres. La malhonnêteté, la véracité des rapports humains est donc au cœur de l’intrigue, en cette époque du tout Facebook, où, la « manif pour tous » l’a bien montré, vos prétendus amis, affichés à côté de votre mur, ne sont peut-être pas tant amicaux que cela.

Ressemblant dans sa forme au "Collision" de Paul Haggis, ce film choral croise habilement ces destins bousculés par l’irruption d’un mensonge dans leur vie, mettant en péril l’équilibre d’un ménage, anéantissant le peu d’assurance acquise par un jeune adolescent, et bousculant les certitudes d’une MILF (ou plutôt ici une « puma », comme la désigne le jeune prostitué, c’est à dire le stade préalable à la « couguar »). Tissant sa toile autour de thématiques comme la tentation de la vengeance personnelle, le désir de réussite, le rêve d'une autre vie, le suicide, le scénario crée progressivement une tension qui ne trouvera son exutoire que dans un final dramatique dont il est difficile de ne pas ressortir terrassé.

Précédé d’une superbe scène montrant le désarroi de chacun des personnages, baignée d’un point de vue musicale dans les sonorités simples des chansons de l’adolescent solitaire, le dénouement vous prend à la gorge. "Disconnect" est donc un film habile et moderne, servi par un casting d’interprètes de second plan parfaitement équilibré, et aidé dans la composition d’un suspense parfois un rien facile, par une musique sourde, parfaitement adaptée. Il réussit à faire jaillir l'émotion autour de ces peurs intimes que chacun projette encore aujourd’hui sur cet objet d’attraction-répulsion qu’est l’internet.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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