CORNICHE KENNEDY

Un film de Dominique Cabrera

Un (double) grand saut mal négocié

Sur les rivages rocheux de Marseille, quelques jeunes de banlieue tentent plusieurs sauts du haut des corniches, avec le désir de défier la mort. Du haut de sa villa luxueuse, Suzanne les observe, fascinée. Elle décide de faire partie de cette bande. Mais le danger ne réside pas seulement dans ces sauts…

C’est typiquement ce qu’il est convenu d’appeler une chute libre mal négociée. Que l’on soit familier du roman original de Maylis de Kérangal ou pas (l’auteur de ces lignes appartient à la seconde catégorie), il ne faudra pas plus d’un quart d’heure de pellicule pour clairement sentir un problème de cohérence dans "Corniche Kennedy". À ce qui s’apparentait comme une chronique d’une jeunesse droguée à la sensation et aux frissons dans la cité phocéenne vient se superposer une fiction policière on ne peut plus maladroite et inepte – à base de trafic de drogue et de mafieux cruels – qui transforme soudain le film en une épaisse bouillabaisse. Le souci est bien là : deux films semblent cohabiter ici sauf qu’ils ne s’entendent pas du tout entre eux, allant même jusqu’à annuler fissa leurs forces respectives pour nous laisser face à un film qui ne sait plus ce qu’il souhaite raconter.

Pour faire une analogie avec le sujet d’origine, deux films ont voulu faire le grand saut ensemble, mais hélas, le premier a fait un plat et le second s’est mangé les rochers. Le premier, shooté à la manière d’un docu-fiction poétique à la sauce Karim Dridi, échoue totalement à incarner le frisson sensoriel de cette génération rebelle (sur ce sujet-là, on peut largement préférer le méconnu "Marie Baie des Anges" de Manuel Pradal), la faute à une mise en scène trop terre-à-terre qui filme mieux le ciel et la terre que la mer et les corps. Le second, centré sur cette intrigue policière dont on se fiche éperdument, ne fait jamais corps avec le premier et crée un parallélisme des plus gênants. Du coup, histoire de ne pas se tourner les pouces, on préfèrera louer la grandeur d’un casting assez remarquable dans lequel, au beau milieu d’une armada de débutants franchement épatants, irradie la sublime Lola Créton, de plus en plus sensuelle, dont on était sans nouvelles depuis sa prestation kamikaze dans "Les Salauds" de Claire Denis. Mais vraiment rien que pour elle, le saut en vaut la chandelle…

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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