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CINQUANTE NUANCES PLUS SOMBRES

Un film de James Foley

Toujours pas de quoi fouetter une chatte…

Après l’avoir perdue en raison de ses pulsions sadiques, Christian Grey est déterminé à reconquérir Anastasia Steele avec un argument-massue : adieu les règles et les contrats, bonjour la vie à deux. Encore fragilisée, cette dernière accepte de lui laisser une seconde chance et retombe vite dans ses bras. Mais une présence liée au passé de Christian se met tout à coup à ressurgir, menaçant leur espoir de vie commune…

L’an dernier, on avait quitté Anastasia et Christian sur un face-à-face furtif, chacun prononçant le prénom de l’autre avant que les portes d’un ascenseur ne se referment sur un adieu. Bien sûr, même si les histoires d’amour finissent mal en général (désolé pour la référence), cet adieu ne pouvait pas en être un. Pourquoi ? Parce que la bluette érotico-romantique post-"Twilight" avait affolé le box-office – un indice aussi capital que le CAC 40 pour les technocrates d’Hollywood – multipliant les zéros sur les chèques et sur le nombre des entrées, alors que le film était aussi piquant et subversif que les anciens nanars du dimanche soir sur M6. Rebelote, donc, avec cette suite adaptée du deuxième roman de la médiocre trilogie d’E.L. James, que l’on pourrait décrire de la façon suivante : une sorte de porno pour ménagères flattant à loisir la soumission de l’individu aux conventions du narcissisme 2.0, nimbé de perversité branchouille, le tout en se servant insidieusement de la sempiternelle quête du prince charmant comme d’un appât vicieux, prompt à faire passer les pires clichés comme une lettre à la poste. Et après une idéologie mormone qui rendait la saga "Twilight" hautement toxique, il fallait bien que la machine à décerveler se trouve une nouvelle batterie.

En somme, qu’importe que l’héroïne de la chose – à savoir une working girl comme on ne sait plus les caractériser à Hollywood depuis belle lurette – n’en finisse jamais d’hésiter à croquer le fruit défendu (oui, c’est une métaphore…) en raison des pulsions sadiques du grand mannequin Hugo Boss dont elle s’est amourachée. Cette hésitation est à la fois ce qui maintient la saga en vie artificielle (alors que ses enjeux étaient déjà morts à la base) et ce qui permet de rendre soi-disant « acceptable » la plus stupide des manipulations dramaturgiques. En gros, même si tu mouilles ta culotte en tombant sur un bôgoss qui aime le sexe brutal et qui te veut exclusivement pour lui, tout peut s’arranger du moment que tu arrives à le socialiser et (surtout) qu’il t’exhibe les bienfaits de son compte en banque partout où tu te balades. Et si en plus de tout cela, on découvre que le sadisme du bonhomme n’est en réalité qu’une pathologie puisant sa sève dans un trauma d’enfance, c’est la cerise sur le gâteau : rien de mieux qu’une bonne morale puritaine pour faire passer une pilule déjà bien hypocrite et ainsi esquiver les sécateurs de la censure. Saupoudrez l’ensemble d’acteurs sous Xanax et d’un zeste d’érotisme PG-13, et hop, votre navet est prêt. Servir tiède.

Le bilan est édifiant : une bête équation « action + dispute + bavardage + pardon + baise = c’est beau l’amour » servant à remplir du vide avec du creux dans un fil narratif que l’on ose à peine qualifier de « scénario » (scénaquoi ?). Pêle-mêle on doit s’enquiller des visites chez le coiffeur ou des excursions en voilier pour justifier un très gros budget « pop sirupeuse », du sexe pasteurisé pour culs-bénits qui ne forniquent pas avant le mariage, des accessoires SM que l’on cache très vite après les avoir exhibés cinq secondes, du symbole XXL qui laisse bouche bée (une bouteille de champagne que l’on peine à déboucher… vous saisissez ?), des seconds rôles aussi décoratifs que des fleurs dans un vase (sortir Kim Basinger de son caisson cryogénique n’était pas l’idée du siècle), le climax le plus accessoire jamais vu dans un film (on n’oubliera pas de sitôt l’épisode de l’hélicoptère), et surtout une représentation du SM à donner envie à Teruo Ishii et Alain Robbe-Grillet de se retourner dans leurs tombes. Que dire de plus sur "Cinquante nuances plus sombres" ? Que le choix du revenant James Foley pour jouer le yes-man décati n’a servi à rien ("Comme un chien enragé", ça remonte quand même à trente ans !), que l’on aperçoit une affiche des "Chroniques de Riddick" dans la chambre du prince charmant sadique (pitié, ne me demandez pas pourquoi !) et qu’il est important de mouiller les boules de geisha avant de les insérer là où vous le savez. Voilà.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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