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CÉLÉBRATION

Un film de Olivier Meyrou

Une expérience sensorielle et intellectuelle

Les dernières années de la maison Saint Laurent, qui ferma ses portes en 2002. On y voit Yves Saint-Laurent en fin de vie, agar, ailleurs, souvent perdu dans ses pensées. On y voit également Pierre Berger qui agit avec une grande violence, tant avec le créateur dont il semble faire sa chose, qu’avec les autres corps de métiers.…

La première image du film est un carton qui pose la définition de ce qu’est un grand couturier : un homme qui est porté par une maison qui porte son nom. Il y a une responsabilité réciproque entre le créateur et sa maison. Olivier Meyrou filme ainsi les dernières années de la maison Saint Laurent. En raison de son histoire et de son traitement, "Célébration" est un documentaire singulier. Interdit de diffusion par Pierre Berger pendant vingt ans, ces dernières images de la maison Saint Laurent et de son créateur sont très surprenantes, car il ne s’agit pas d’un nouveau montage, ou d’une reconstitution, mais bien des images du tout début des années 2000 qui ne sortent qu’aujourd’hui.

L’image a ici un statut très particulier ici car elle est au cœur de la maison de haute couture, dans l’atelier de création de Saint Laurent. La caméra met sur un pied d’égalité des couturières ; des petites mains qui réalisent les grandes robes qu’elles voient ensuite à la télévision ou dans les défilés auxquels elles peuvent assister ; et le grand couturier, agar, assis étrangement sur sa chaise, les jambes écartés, le regard dans le vide, les lèvres remuantes, une cigarette se consumant entre les doigts. Un homme qui ne parle quasiment plus, qui est très absent. Un « funambule qu’il vaut mieux ne pas réveiller », selon Pierre Berger, même si c’est son souhait. Un homme qui a donné sa vie à la couture, tout en sachant que cela le détruisait.

La grande surprise et la grande réussite de ce film est la musique. Elle est souvent extradiégétique et sans rapport direct avec l’image. Elle est souvent électronique, mélangeant des bruits, des voix, l’atmosphère du grand atelier parisien et des sons très abstraits pour créer des moments mélodieux, envoûtants, qui ne ressemblent à rien de connu. Cette musique est d’abord déroutante et peut-être a-t-elle destination à le rester, mais une piste d’interprétation possible est de la voir comme la manifestation extérieure d’une certaine intériorité d’Yves Saint-Laurent, une sorte de musique intérieure qui ferait bouger ses lèvres, son grand corps et ses pieds, toujours en mouvement dans ses chaussures usées.

Au final, "Célébration" constitue une vraie surprise, une plongée dans l’univers de cet homme, un univers dont il est sans doute à peine conscient et dont il est le prisonnier consentant. Une expérience sensorielle et intellectuelle.

Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur

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